lundi 15 juin 2009

...ses mains...

« (...) Non ce n'était pas ses mains que ces mains là, immortalisées en bénissant ces appareils photos où tous les réglages se font automatiquement parce que, même même si on le voulait, on aurait bien de la peine à avoir une vision nette.Ces mains aux doigts d'une blancheur cireuse dont les ongles étaient bien nets, ce n'étaient pas les siennes.

Déjà cinq mois avant ce n'était déjà plus vraiment les siennes.

Ses vraies mains, étaient celles d'une travailleuse qui ignorait, même pour les plus durs travaux, toute protection. Et sauf lors de la dernière année où l'âge et surtout la maladie faisant, elles n'avaient jamais cesser de s'activer.

S'il restait les vaisselles, heureusement que c'en était fini des lessives dans de l'eau trop chaude. Dans le jardin où elle ne pouvait guère plus descendre, les mauvaises herbes poussaient désormais allègrement. Mais il y avait encore les petits pois à écosser, les haricots à équeuter, les cerises à dénoyauter, les groseilles à égrapper... pour les conserves, les confitures... pour eux deux, pour les enfants, les petits enfants, et les arrières petits enfants.Pour « ne pas manquer »: cette hantise de ceux qui ont connu la guerre et la faim, surtout quand on est une petite bonne à tout faire placée dès 13 ans chez les riches. Ceux de la « Haute » comme elle le murmurait.

Alors ces mains là étaient rouges, leurs ongles étaient cassés, salis. Et elles étaient crevassées, parfois jusqu'au sang. Et elles étaient rêches, bien éloignées de ce qu'on imagine des mains douces d'une maman. Cela la chagrinait lorsqu'elle s'attaquait aux travaux de couture et de tricot où aucun vêtement n'avait de secret pour elle. Et lorsqu'elle travaillait la laine, elle appréciait tout particulièrement les modèles compliqués « sinon je m'ennuie » disait-elle.

En fait il n'y a qu'une chose que ces mains là firent peu, à son grand regret. Et elle n'en parla que le tout dernier mois. Elle qui avait arrêté l'école juste après son certificat d'études aimait écrire. Alors ses enfants et ses petits-enfants, à défaut d'arrêter le temps, le firent pour elle en notant sur un petit carnet qu'elle gardait près d'elle, les petits faits de cette chambre d'hôpital. Jusqu'à ce matin là où ses mains se sont à jamais arrêtées. »

3 commentaires:

  1. Ce texte me fait penser à cette vieille chanson de Gilbert Bécaud écrite par Pierre Delanoé :

    Mes mains
    Dessinent dans le soir
    La forme d'un espoir
    Qui ressemble à ton corps

    Mes mains
    Quand elles tremblent de fièvre
    C'est de nos amours brèves
    Qu'elles se souviennent encore

    Mes mains
    Caressent dans leurs doigts
    Des riens venant de toi
    Cherchant un peu de joie

    Mes mains
    Se tendent en prière
    Vers ton ombre légère
    Disparue dans la nuit

    Mes mains
    Elles t'aiment à la folie
    D'un amour infini
    Elles t'aiment pour la vie

    As-tu déjà effacé ce passé qui m'obsède?
    As-tu déjà oublié que ces mains ont tout donné?

    Mes mains
    Qui voudraient caresser
    Un jour seront lassées
    D'attendre ton retour

    Mes mains
    Elles iront te chercher
    Là où tu t'es cachée
    Avec un autre amour

    Mes mains
    Méprisant les prières
    Trembleront de colère
    Et je n'y pourrai rien

    Mes mains
    Pour toujours dans la nuit
    Emporteront ta vie
    Mais puisque tu le sais

    Reviens
    Et tout comme autrefois
    Elles frémiront pour toi
    Dans la joie retrouvée

    Reviens
    Ne les repousse pas
    Ces mains tendues vers toi
    Et donne-leur tes mains

    RépondreSupprimer
  2. Les mains d'une mère sont caractéristiques
    Par le travail elles ne sont pas abimées mais sublimées
    Car rocailleuse, nouées et sèches
    Mais tendres,douces et caressantes
    Elles expriment au delà du travail et de la souffrance
    La générosité, la bonté et l'Amour

    RépondreSupprimer
  3. Jolie mais triste chanson que vous citez là Caphadock, même s'il s'applique avant tout à un amour homme/femme non partagé

    Et bel hommage aux mains d'une mère aussi.
    La mienne ne s'est que rarement montrée tendre et douce avec nous, mais pour se laisser vraiment aller, il aurait déjà fallu qu'un jour sa propre mère ait été tendre et douce avec elle. Et elle ne l'a jamais été.

    RépondreSupprimer