- que cet homme là était très beau
- mais aussi quel personnage: un nantais pour qui le monde maritime c'était plus les bateaux que la mer, laquelle s'est, d'une certaine manière, vengée en l'emportant dans ses flots dans la nuit du 12 au 13 décembre 1998.
Au moment de retracer sa vie, un ou une autre que moi a très bien décrit la course de cet homme sur :
http://www.netmarine.net/tradi/celebres/tabarly/index.htm Il n'est écrit nulle part que les grands hommes aient droit à un traitement spécial quand ils vont en mer. Il n'est écrit nulle part, parce qu'un coureur au large qui a défié la mer et la mort durant des décennies ne puisse pas être cueilli par une vague. Il n'est écrit nulle part qu'un marin qui entendait naviguer sans s'embarrasser d'un fatras technologique n'ait pas droit à cet ultime coup de pied du destin : mourir faute de capacité d'alerte. Il n'est écrit nulle part qu'Eric Tabarly devait mourir dans son lit. Il est mort comme Dominique Guillet, Daniel Gilard, Olivier Moussy et beaucoup d'autres skippers, tombés à l'eau sous les yeux de leurs équipiers.(...)
Eric Tabarly ne ressemblait pas à cette espèce d'ours breton taiseux et buté, ce marin d'almanach qu'on imagine trop souvent. Breton, il l'était par ses ascendants. Pour le reste, cet homme simple n'entrait pas dans les cases connues de la simplification générale. Il est né à Nantes en juillet 1931, a passé son enfance à Blois et ses vacances à Préfailles, qui n'est pas du côté breton de l'estuaire de la Loire.
Il n'était pas vraiment d'Armor, mais sûrement de la mer. Sur les photos de famille, on le voit, frimousse épanouie du haut de ses 3 ans, barrer "Annie", le premier voilier de son père Guy. Tête de bois, mauvais élève et sportif d'exception, il s'est engagé dans l'aéronavale à 21 ans, il a appris à piloter les Lancaster au Maroc et passé un an à survoler l'Indochine. Taiseux, cet aîné de quatre enfants ne l'était guère, si vous l'invitiez à parler d'avions, de montagne et bien entendu de bateaux. Ce timide n'avait rien d'un intellectuel, mais il possèdait une culture encyclopédique de la marine à voile et une compétence extraordinaire en architecture navale.
(...)
Cet homme tout d'un bloc croisait au large de la vanité. Il ignorait le bavardage et le deuxième degré, les jeux de cour et le goût du pouvoir. Cet athlète n'a pas changé d'une miette en prenant des rides. Il n'a pas converti sa célébrité en liquidités, ni son image en fortune. Cet homme étonnant est parti avec son secret.
Tabarly avait réconcilié les Français avec la mer en leur faisant croire qu'ils étaient meilleurs sur l'eau que les Anglais. Il a disparu le 13 juin 1998 dans les eaux anglaises, à bord d'un cotre britannique dessiné par un Ecossais de génie. Cet ultime pied de nez conclut une vie de laboureur des vagues.