vendredi 12 décembre 2008

Coïncidences

Hier journée de travail sur Paris. RV matinal. Tout comme le train. Dedans, principalement des cadres de sexe masculin. Population qui sera heureusement un peu plus diversifiée dans le métro. Pourquoi heureusement?.. Parce que ... Quoique parfois la diversité... Et en surexposition d'autres images qui affluent à la mémoire. Vieilles de plus de 25 ans celles-là. Par delà le temps quelques constantes demeurent.

Le cadre de sexe masculin reste un animal triste. De plus en plus triste même. Aux couleurs assez peu variées de son costume d'autrefois où les tons marron, bleu ou gris clair dominaient et à l'incontournable attaché-case il a substitué un "uniforme" noir ou gris foncé (celui qui ose un trench clair est désormais regardé comme un huluberlu). Plus d'attaché-case comme il y a 20 ans mais l'ordinateur portable: révisions avant la réunion du matin, compte-rendu de la réunion au retour.

Dans le métro ce n'est finalement guère mieux. Rien que des ilôts de solitude car, aux livres d'autrefois indispensables "compagnons" des longs trajets de transports en commun parisiens, se sont substitués les journaux gratuits et les Ipods. Chacun dans son coin. Les plus "sociaux" de voyageurs ne cessent d'envoyer des SMS. Tous côte à côte, serrés les uns près des autres, mais plus que jamais isolés, solitaires dans leurs bulles respectives.

Et puis avant la réunion, il y a eu une pause dans un café parisien en compagnie d'un petit livre extrait du sac à bandoullière: "une petite robe de fête" de Christian Bobin.

Une fois le marque-page retiré, le hasard (?) a voulu qu'il s'agisse du chapitre intitulé "Terre promise"

"Vous qui voyagez peu, vous qui ne voyagez jamais, il vous arrive quand même de prendre un train. Dans la gare, beaucoup d'homme d'affaires. Vous les reconnaissez de loin -à leur visage qui manque.Le même homme à des dizaines d'exemplaires. Le même homme jeune, vieilli, embaumé dans son avenir... vous prenez connaissancede l'homme fabriqué en série, de l'homme absent: il va de Paris à Tokio à New York (...) Il prend des trains qui vont d'un point à un autre. De rien à rien.Dans sa précipitation il amène le vide. Si souvent qu'il parle, il n'entend que lui-même. Si loin qu'il aille il ne trouve que lui-même... Vous vous dites: ces gens qui voyagent tant, ils ne font plus un seul pas. Ils n'avancent pas, jamais..."

Puis Christian Bobin parle du livre "le docteur Jivago" de Pasternak, (jamais lu) mais dont restent en mémoire quelques images du film: Omar Sharif qui, dans une Isba glacée, écrit de longues lettres à Julie Christie, sans savoir si un jour elle les recevra. Et, à la fin lorsqu'il meurt d'une crise cardiaque sur une place moscovite, juste après l'avoir entrevue, celle qu'il a toujours cherché et aimée durant toutes ces années et pour laquelle il a laissé sa femme et son fils unique quitter la Russie. Mais Julie Christie ne le saura pas, enfermée qu'elle est dans le tram qui l'emporte à jamais loin de lui .

Ce livre il faudra le lire pour aller au dela de ces seules images et oublier, au moins un temps tous ces "responsables" sanglés dans leurs certitudes et leurs uniforme sombre, tous ces anonymes sourds et aveugles enfermés qu'ils sont dans leur bulle de bruits pour mieux éviter d'entendre leur propre musique intérieure.

Chacun dans leur solitude.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Bien vu
Il m'est arrivée aussi dans un transport en commun ,surtout à Paris d'observer les gens!!!!!!Effroyable constat "bulle de solitude " tout à fait. Mieux j'ai parfois esquissé un sourire !!!et les regards alors ont fuit
C Bobin "embaumé dans son avenir "
Tb Vais relire dr Jivago (long je crois) le film présent à la mémoire
Belles pages Anna en ce matin glacé

Anonyme a dit…

Combien je partage ce que dit ce billet ! Vite aller voir les amis pour "respirer" un peu mieux.

Anonyme a dit…

J'ai beaucoup voyagé en train... et j'y ai fait de belles rencontres ainsi que dans les halls et les quais de gare... j'aime encore pour des longs voyages prendre le train et toujours je me lie de sympathie avec mon ou ma voisin(e)...
une petite robe de fête un livre merveilleux à l'introduction d'une beauté inégalable...
le docteur Jivago un pavé que je lu à l'âge de 14 ans après avoir vu le film en salle à cette époque où n'existait ni K7, ni DVD et où les films tournaient pendant plusieurs années avant de passer à la télé... je l'ai vu depuis un grand nombre de fois, c'est tellement beau ... le palais de glace, le visage de Lara au milieu des jonquilles, et cette bibliothèque de leurs retrouvailles... la beauté d'Omar Sharif et celle de Julie CHristie à qui ma fille doit son prénom aujourd'hui...
Merci Anna pour cette note qui touche tant de points sensibles

@nn@ L. a dit…

* il y a un peu plus de 25 ans de cela Arlette j'ai passé 3 mois en région parisienne et j'avais déjà fait ce constat de l'immense solitude, souvent hostile en plus, qui règne dans la foule parisienne.
Je sais que le livre de Pasternak est long, mais quel que soit notre âge il faut parfois savoir prendre le temps de lire de tels ouvrages.

* Excellente suggestion que la vôtre Michel et se dire que quelques part ailleurs que dans cette foule anonyme, heureusement plus indifférente qu'hostile, existe des ami(e)s est d'une grande aide

* Je n'ai vu ce film qu'un fois Maria, et à la télévision... Les souvenirs que j'en garde sont donc rares mais Christian B. Arlette et vous m'avez donné très envie: les deux premiers de lire le livre et vous de revoir le film.

cailloublanc a dit…

Moi qui vois souvent des cadres dynamiques tous habillés de la même façon dans les rues de la Genève des banques, je peux vous dire qu'on est à l'air libre, mais qu'ils ont l'air tous si terriblement las! Et ce n'est pas dû à la crise actuelle! Quant aux rencontres du métro, rien de tel qu'un enfant pour tisser des liens de parole! Comme en Inde!
Mais les ipods, les portables remplacent de plus en plus les livres dans les mains de voyageurs, vous avez raison @nn@!
Bien à vous.

@nn@ L. a dit…

C'est où Gene le quartier des banques à Genève, que j'évite d'y aller et de déprimer à force de voir une telle densité de cadres tristes en uniformes.
Savez-vous que deux choses m'ont fait sourire dans le métro: le naturel des pitchouns et de voir un maître balader son fûret dans une petite cage: un peu d'humanité ça fait du bien!