mercredi 24 juillet 2013

"Certaines n'avaient jamais vu la mer" de Julie Otsuka

Voici un beau livre assez court puisqu'il ne fait qu'à peine 130 pages, mais rempli d'histoires. Celles de ces femmes qui ont quitté au début du XXème siècle le Japon pour s'en aller par bateau rejoindre aux Etats-Unis un époux qu'elles n'avaient pas vraiment choisi. Un livre en 8 chapitres qui racontent leurs vies entre leur voyage en bateau et leur "disparition" au  printemps 1942.
- "Bienvenue, mesdemoiselles japonaises!" relate leur voyage dans les soutes du bateau, à un moment où ces femmes espèrent beaucoup de l'homme qui les attend là-bas, de l'autre côté de l'océan Pacifique
- "La première nuit" narre leur arrivée sur le sol américain, les premières désillusions (l'homme qu'elles épousent ne correspond pas toujours à celui de la photo) les premières violences, certaines devenant femmes de manière parfois sordide, le mariage à peine prononcé
- le chapitre, "Les Blancs" résume leurs découvertes, celle des mots vitaux comme  "water" et surtout la vie  de leurs employeurs, des hommes et des femmes devant lesquels ils apprennent à s'effacer, elles les ouvrières agricoles, blanchisseuses, employées de maison... ou Mademoiselle Fleur de Cerisier
- "Naissances" confirme l'impression initiale, certaines ont eu plus de chance que d'autres qui ont accouché dans un recoin avant de retourner travailler quelques heures après
- Avec "Les enfants"  on découvre comment certains d'entre eux se sont extrêmement bien adaptés au point de prendre des prénoms américains, de vouloir manger américain... d'oublier tout ce qui faisait la spécificité de la vie de leurs parents: leurs rites, leurs fêtes, leurs mots
- Arrive Pearl Harbor... et la vie change, toute personne étant un potentiel espion traître à son pays d'adoption, d'où le titre du chapitre: "Traitres". Un statut peu enviable qui a fait que, lorsque les premières affiches sont apparues qui leurs donnaient l'ordre de se préparer à partir, hommes, femmes et enfants se sont préparés, même s'ils ne savaient pas pour où et quand ils partiraient.
- Dans les deux derniers chapitres, l'auteure raconte le "dernier jour " avant la "disparition"... En fait l'oubli. 
Un oubli qui perdure car sur le net on trouve très peu d'informations sur ces regroupements** aux USA mais aussi au Canada, d'hommes, de femmes et d'enfants japonais ou d'origine japonaises* dans des camps! Oui, des camps de concentration, tout comme les Nazis ont pu le faire à la même époque avec les Juifs, les Tziganes, les homosexuels, les opposants politiques etc... Sauf que là il n'y a pas eu de camps d'extermination et que, même si les conditions de vie n'étaient pas facile, l'objectif n'était pas de les anéantir lentement. 
En résumé, un beau livre triste. Beau par l'écriture et triste par ce qu'il raconte: les désillusions, la vie dure, le rejet, l'oubli... Il faudra attendre 1988 pour que Ronald Reagan présente ses excuses au nom des Etats-Unis.  
* Certains avaient acquis la nationalité américaine! 
 

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