vendredi 20 novembre 2009

la compassion selon Milan Kundera

"... Toutes les langues issues du latin forment le mot compassion avec le préfixe "com" et la racine "passio" qui , originellement, signifie "souffrance". Dans d'autres langues (...) ce mot se traduit avec un substantif formé avec un préfixe équivalent suivi du mot sentiment (...)

Dans les langues dérivées du latin, le mot compassion signifie que l'on ne peut regarder d'un coeur froid la souffrance d'autrui; autrement dit: on a de la sympathie pour celui qui souffre. Un autre mot, qui a à peu près le même sens, pitié (...) suggère même une sorte d'indulgence envers l'être souffrant. Avoir de la pitié pour une femme, c'est être mieux loti qu'elle, c'est s'incliner, s'abaisser jusqu'à elle. C'est pourquoi le mot compassion inspire généralement la méfiance; il désigne un sentiment considéré comme de second ordre qui n'a pas grand chose à voir avec l'amour. Aimer quelqu'un par compassion, ce n'est pas l'aimer vraiment

Dans les langues qui forment le mot compassion non pas avec la racine "passio-souffrance" mais avec le substantif "sentiment" le mot est employé à peu près dans le même sens, mais on peut difficilement dire qu'il désigne un sentiment mauvais ou médiocre. La force secrète de son étymologie baigne le mot d'une autre lumière et lui donne un sens plus large: avoir de la compassion (...) c'est pouvoir vivre avec l'autre son malheur mais aussi sentir avec lui n'importe quel autre sentiment: la joie, l'angoisse, le bonheur, la douleur. Cette compassion-là (...) désigne donc la plus haute capacité d'imagination affective, l'art de la télépathie des émotions. Dans la hiérarchie des sentiments, c'est le sentiment suprême."

4 commentaires:

verveinecitron a dit…

Merci pour cet éclairage!

Et décidément, oui, je devrais relire ce livre...

maria-d a dit…

très très belle note... merci

michelgonnet a dit…

Lorsque le coeur "parle", il y a peu d'ambiguïté sur l'usage de la langue (sourire) pour autant que cette "compassion" envers l'Autre se traduise par une écoute et une attention, une "présence" qui respecte son altérité .

@nn@ L. a dit…

* Cet éclairage Verveinecitron, je dirais plutôt un coup de projecteur sur un passage qui avait retenu mon attention :-)

* Merci Maria. Et merci de repasser par ici car j'ai honte de le dire, mon emploi du temps de cs dernières semaines me laisse guère le loisir de lire "mémoire su silence"

* Exact Michel, mais il y a aussi cet autre sens avec lequel beaucoup confondent :-)