Les fenêtres nous guettent, Quand notre cœur s'arrête, En croisant Louisette, Pour qui brûlent nos chairs
Les fenêtres rigolent, Quand elles voient la frivole Qui offre sa corole A un clerc de notaire
Les fenêtres sanglotent Quand à l'aube falote Un enterrement cahote Jusqu'au vieux cimetière
Mais les fenêtres froncent Leurs corniches de bronze Quand elles voient les ronces Envahir leur lumière
Les fenêtres murmurent Quand tombent en chevelure Les pluies de la froidure Qui mouillent les adieux
Les fenêtres chantonnent Quand se lève à l'automne Le vent qui abandonne Les rues aux amoureux
Les fenêtres se taisent Quand l'hiver les apaise Et que la neige épaisse Vient leur fermer les yeux
Mais les fenêtres jacassent Quand une femme passe Qui habite l'impasse Où passent les messieurs
La fenêtre est un œuf Quand elle est œil-de-bœuf Qui attend comme un veuf Au coin d'un escalier
La fenêtre bataille Quand elle est soupirail D'où le soldat mitraille Avant de succomber
Les fenêtres musardent Quand elles sont mansardes Et abritent les hardes D'un poète oublié
Mais les fenêtres gentilles Se recouvrent de grilles Si par malheur on crie : "Vive la liberté"
Les fenêtres surveillent L'enfant qui s'émerveille Dans un cercle de vieilles A faire ses premiers pas
Les fenêtres sourient Quand quinze ans trop jolis Et quinze ans trop grandis S'offrent un premier repas
Les fenêtres menacent Les fenêtres grimacent Quand parfois j'ai l'audace D'appeler un chat un chat
Les fenêtres me suivent Me suivent et me poursuivent Jusqu'à c'que peur s'ensuive Tout au fond de mes draps
Les fenêtres souvent Traitent impunément De voyous des enfants Qui cherchent qui aimer
Les fenêtres souvent Soupçonnent ces manants Qui dorment sur les bancs Et parlent l'étranger
Les fenêtres souvent Se ferment en riant Se ferment en criant Quand on y va chanter
Ah, je n'ose pas penser Qu'elles servent à voiler Plus qu'à laisser entrer La lumière de l'été
Non je préfère penser Qu'une fenêtre fermée Ça ne sert qu'à aider Les amants à s'aimer