Que de chemin parcouru depuis la découverte d'une réalité plus fréquente qu'on ne le croit* faite en 1987, à l'occasion de la lecture du livre de Maud Marin "Le saut de l'ange". Déclarée homme à sa naissance en juin 1945, elle a obtenu de la justice française que celle-ci reconnaisse les effets de la chirurgie plastie qu'elle avait subie à l'étranger afin de devenir une femme, devenant ainsi la première femme intersexe française.
Mais cela restait un sujet encore plus que tabou. Oui plus que tabou car alors même que le "problème" existait depuis des siècles puisqu'il existe au Musée du Louvre une statue représentant un hermaphrodite** (celle-là même qui illustre le présent billet et aurait pu en justifier un à elle seule) on considérait que ce genre de cas de figure relevait de la littérature ou de la mythologie.
Erreur, grave erreur! Les médecins connaissaient depuis longtemps les «troubles du développement sexuel» (disorder of sex development, DSD) mais les traitaient à coup de bistouri. Et oui, depuis le 19e siècle, en
Occident, immédiatement
après sa naissance, le sexe de l’enfant est précisé dans l’acte de
naissance qui ne reconnait que de deux
sexes. Ce qui, en cas de doute incite médecins et les parents à
choisir souvent une fille car souvent le pénis est atrophié et il est plus facile de «corriger» l’anatomie d’un enfant dans ce
sens. Tant pis si l’enfant en grandissant se définit comme
garçon!
Mais coup sur coup en août 2009 le problème a éclaté au grand jour, d'abord via la presse sportive internationale, puis quelques jours plus tard à l'occasion de la publication d'un roman de Martin Winckler.
Cet été là, la presse sportive n'avait pas manqué de remettre en cause l'exploit sportif de la Sud-Africaine Caster Semenya lors des championnats du monde d'athlétisme. Celle-ci dut alors subir des examens sanguins, chromosomiques et gynécologiques. Et découvrir, à 18 ans, qu'elle (ou il) possèdait un appareil génital
externe féminin et des testicules internes. Elle (ou il) était intersexuelle. Le choc!
Dans le "choeur des femmes", c'est un chant choral que nous psalmodie Martin Winckler autour du corps et du coeur des femmes. On y entend notamment une soliste (Jean Atwood) d'origine franco-canadienne venue accomplir ses études de médecine en France et dont on découvre au fil des pages qu'elle -puisque c'est ainsi qu'elle se présente- est née de sexe indéterminée. Et Martin Winckler de militer, via son héroïne, en faveur d'interventions chirurgicales tardives, lorsque la personne est en âge de se situer comme un garçon ou une fille.
Et en Allemagne donc? Et bien dès le 1er novembre, elle sera le premier pays européen à proposer officiellement la possibilité d'inscrire un sexe "indéterminé" aux nourissons sur leur certificat de naissance***.
*En Europe, un nouveau-né sur 5 000 est concerné – soit, en France, environ 200 nouveau-nés par an. Dans l'hémisphère Nord, plus de 50 % des personnes touchées ont un sexe génétique féminin (XX), aux ovaires correctement différenciés, mais ayant reçu de trop grandes quantités d'hormones mâles ils peuvent notamment disposer par exemple de testicules internes.
**Elle a été découverte en 1608 à Rome, près des thermes de Dioclétien. Dès 1619, le cardinal Scipion Borghèse confie au sculpteur baroque italien Le Bernin le soin d'exécuter un "matelas" sur lequel repose désormais le marbre. La même année, David Larique va travailler à la restauration de l'Hermaphrodite lui-même. L'oeuvre entrera au Louvre en 1807.
*** En 2011, l’Argentine avait autorisé les individus à changer leur état civil sans avoir à apporter la preuve que leurs organes sexuels (mâle, femelle, autre) correspondaient à leur genre (masculin, féminin). Et le 31 mai 2012, la justice australienne avait permis à un eunuque, Norrie May-Welby, de faire disparaître toute mention de sexe sur son état civil.
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