mercredi 1 octobre 2014

Se méfier des apparences (suite)

On connaît tous ces deux photos très célèbres de baisers:
- celui immortalisé par Robert Doisneau et qui est connu sous le nom du "Baiser de l'Hôtel de Ville" car la photo a été réalisée place de l'Hôtel de Ville à Paris
- celui photographié par Alfred Eisenstaedt et qui est souvent référencé comme "The kissing Sailor" ou bien encore "Kiss of Times Square"
Sauf que leur spontanéité ou leur romantisme a été sérieusement mis à mal.
Il y a d'abord eu les conditions de réalisation de la photographie de Doisneau...

... qui ont été connues à l'occasion d'un procès au cours duquel l'identité des protagonistes a été dévoilée: c'étaient en réalité deux étudiants en théâtre, Françoise Delbart (née Bornet) et son petit ami d'alors, Jacques Carteaud qui, pour 500Frs de l'époque, avaient accepté de poser.
Un baiser d'amoureux certes, spontané, pas vraiment... et plus du tout romantique quand on apprendra lors du procès que la femme réclame 100 000Frs de rémunération complémentaire et un % sur les bénéfices commerciaux* Demande dont elle sera déboutée** 
L'homme n'écornera pas davantage l'image romantique de la photo en ne voulant pas être partie au procès, refusant de « transformer cette histoire photographique en histoire de fric »
Plus de 70 ans après le cliché réalisé à Times Square, l'identité exacte du couple photographié n'est toujours pas établie avec certitude, même si il existe de fortes présomptions***
La spontanéité du "baiser" ne fait aucun doute puisque l'auteur du cliché a toujours été clair sur les circonstances: il suivait un marin qui embrassait toutes les femmes qu'il croisait, quel que soit leur âge!
Par contre son romantisme est complètement remis en question quand on sait que celui qui pourrait bien être le marin en question (après comparaison de ses cicatrices et tatouages avec ceux repérés sur la photo) raconte qu'il était au cinéma avec sa petite amie (et future femme) quand une foule en liesse a interrompu la séance. Ravi de ne pas avoir à retourner dans le Pacifique, il avait alors écumé les bars, avec sa petite amie avant de commencer à embrasser les femmes qu'il croisait, sans leur demander leur avis. 
Mais aussi que l'une des possibles femmes, des années plus tard, indiquait ""Je sentais qu'il était très fort. Il me tenait très serré. Je ne sais pas quoi penser du baiser… c'était juste quelqu'un qui fêtait une occasion. Ce n'était pas romantique." 
Et c'est vrai que quand on regarde plus attentivement la pose du couple, le geste de l'homme n'a rien de tendre et la femme semble particulièrement tendue****. Exit le baiser romantique! Et place à un baiser forcé d'un inconnu ivre sur une femme non consentante, ce qui ressemble fort à...une agression sexuelle.
* En 1986, 410 000 exemplaires avaient été tiré de cette photo en format affiche!
** Déboutée en 1993 de sa demande, Françoise Bornet mettra en vente le cliché signé (reçu après la séance) et en obtiendra 185 000 €
*** Dans le numéro du mois d’août 1980, les éditeurs du magazine Life ont demandé à ce que le marin se fasse connaître. Dans le numéro d’octobre de la même année, ils révèleront qu’onze hommes et trois femmes se sont présentés comme étant une des deux personnes de la photographie. Les onze hommes étaient : Donald Bonsack, John Edmonson, Wallace C. Fowler, Clarence « Bud » Harding, Walker Irving, James Kearney, Marvin Kingsburg, Arthur Leask, George Mendonsa, Jack Russell et Bill Swicegood
Et les trois femmes : Edith Shain, Greta Friedman, et Barbara Sokol.
Mais pour les hommes, 2 autres noms ont aussi circulé: ceux de Carl Muscarello et de Glenn McDuffie.
**** sur l'un des 4 clichés réalisés à ce moment précis, elle a même le poing serré

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