dimanche 31 août 2008

Ombre et lumière (6) à Nantes by day & night

à Marwan H.
qui aura du mal à innover
pour trouver un angle de vue original

Lorsque de jour on marche quai des Antilles, à la pointe de l'île Ste Anne, c'est cela que l'on voit de Nantes, avec notamment le Maillé-Brézé,
http://www.maillebreze.com/pages/historique.html
Nantes by Frédéric Buxin
mais aussi le dôme de l'église St Louis aussi connu sous le nom de Notre-Dame du Bon-Port.http://symphonia.nantes.free.fr/Visite_NDBP/visite_de_notre_dame_de_bon_port_sommaire.htm
Mais pour beaucoup, c'est ce paysage là qu'ils connaissent lorsque ils fréquentent l'un des nombreux cafés qui ont été ouverts dans l'ancien hangar à bananes...
http://www.hangarabananes.com/

Nantes by Frédéric Buxin

Et pour certains, les "anneaux de la mémoire" de Daniel Burren http://www.lesanneauxdelamemoire.com/index2.htm

qui ont été installés ainsi qu'une rambarde ne sont pas de trop pour leur éviter de tomber dans la Loire...

samedi 30 août 2008

le cahier de Hana Makhmalbaf

La jeune afghane me conduit a quitter temporairement (quoique) les billets centrés sur l'ombre et la lumière pour parler d'un film franco-iranien, vu au cinéma en début d'année: "le cahier"
Pour son premier long métrage, Hana Makhmalbaf a planté le décor dans une petite ville construite dans la roche rouge, au pied du site qui abrita pendant des siècles les bouddhas géants de Bamiyan, détruits par les talibans. C'est par cette image du dynamitage que commencera et finira le film... qui prendra alors une toute autre signification.
Au début du film, une petite fille volontaire de 6 ans, plutôt que de garder son petit frère , décide de faire comme son jeune voisin: aller à l'école pour apprendre à lire. Mais elle doit avant se procurer un cahier et un stylo.
L'entreprise conduit la jeune demoiselle à se rendre au marché de la ville pour tenter de vendre, à la sauvette, quatre oeufs, dont la recette doit lui permettre d'acheter une partie de ce dont elle a besoin: le cahier. Car pour le stylo, elle a déjà son idée: il prendra la forme inattendue et pour le moins choquante dans ce pays islamiste: ce sera un tube de rouge à lèvres que cache sa mère au fond d'un sac.
Dans la seconde partie du film, la petite fille essaye de se rendre à l'école de filles car on lui fait vite comprendre qu'il est exclu qu'elle puisse intégrer une école de garçons...
Mais le chemin est long et difficile surtout lorsque les adultes ne cherchent guère à vous aider. Quant aux autres enfants... Elle sera confrontée à une bande de jeunes garçons, talibans en herbes, qui ne font que reproduire ce qu'ils voient au quotidien. Et ce quotidien est effrayant. Certes comme de nombreux petits garçons de part le monde ils y jouent à la guerre après avoir volé à la petite quelques feuilles de papier de son cahier pour fabriquer des avions en papier qu'ils mitraillent
avec des fusils/branches d'arbres. Mais, et là c'est moins fréquent, on fait tomber dans un piège l'enfant inconnu aussitôt accusé d'être un espion américain, on y enferme des fillettes dont on a recouvert la tête d'un sac en papier dans des grottes dont elles ont interdiction de sortir parce qu'elle ont le malheur d'être trop jolies ou d'avoir osé mettre un peu du rouge à lèvres caché de leur mère, et on pousse même le zèle juqu'à enterrer la petite avant de se retenir, in extrémis de la lapider...
Elle finira par s'échapper et se faufilera dans une classe dont l'institutrice fait machinalement son cours devant une classe surpeuplée de petites filles (dont le plus grand plaisir devient rapidement non plus d'apprendre à lire mais de se barbouiller les joues de rouge à lèvres...) avant de l'exclure.
En sortant, elle retombera sur sa bande de tortionnaires d'avant. Et devant un parreterre d'adultes indifférents car occupés aux travaux des champs, fera mine de tomber sur le sol, "tuée" par ses poursuivants, pour qu'ils finissent par la laisser en paix.
Mais c'est à beaucoup plus que cela qu'elle renonce en agissant ainsi. Et ce n'est pas pour rien que la réalisatrice clôt son film comme elle l'avait commencé: avec les statues des boudhas qui s'écroulent.

vendredi 29 août 2008

Ombre et lumière (5) avec des visages d'enfant

Aujourd'hui, dans un premier temps, une seule image: un visage d'enfant, celui d'une petite fille avec un lapin, photographiée par Jean Dieuzaide. Une photo en noir et blanc... et pourtant c'est la même lumière intérieure qui émane d'elle que celle des personnages des tableaux de Georges de la Tour.

la jeune afghane

Le regard de cette petite fille m'a fait penser à cet autre regard qui nous a tous fasciné du jour où il a fait la couverture de la revue National Geographic. Au départ, Steve McCurry réalise cette photo en 1984 dans un camp de réfugiés. L'adolescente qui ignore son âge exact a vu ses parents tués dans un bombardement. Après la parution cette image, cette adolescente est devenue une sorte d'icône évoquant tous les enfants victimes de la guerre.
En 2002, de retour en Afghanistan, le photographe l'a retrouvée miraculeusement! Le portrait de Sharbat Gula (car tel est son nom), devenue mère de famille nombreuse, fait à nouveau la couverture du National Geographic. Ce que disent rarement les commentaires c'est qu'elle porte la burka et a du demander l'autorisation de son mari pour être de nouveau photographiée... et qu'elle trouve tout cela normal...

jeudi 28 août 2008

Ombre et lumière (4) avec Jacques Brel

Dimanche dernier je me suis aperçue que la vie de Jacques Brel aurait presque pu s'inscrire, se résumer en deux chansons. L'une écrite en 1962 évoque plutôt le côté ombre. En effet, "Le plat pays" on n'en retient souvent que le côté sombre, triste... Au point qu'elle est même devenue l'objet d'un gag dans le film "Bienvenu chez les Ch'tis". C'est en effet cette chanson que l'on entend lorsque le héros, qui vient du Sud de la France, arrive dans la région Nord-Pas de Calais, juste avant qu'il ne commence à tomber des trombes d'eau ...

Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues Et de vagues rochers que les marées dépassent Et qui ont à jamais le cœur à marée basse Avec infiniment de brumes à venir Avec le vent de l'est écoutez-le tenir Le plat pays qui est le mien

Avec des cathédrales pour uniques montagnes Et de noirs clochers comme mâts de cocagne Où des diables en pierre décrochent les nuages Avec le fil des jours pour unique voyage Et des chemins de pluie pour unique bonsoir Avec le vent d'ouest écoutez-le vouloir Le plat pays qui est le mien

Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner Avec le vent du nord qui vient s'écarteler Avec le vent du nord écoutez-le craquer Le plat pays qui est le mien

Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot Quand les fils de novembre nous reviennent en mai Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet Quand le vent est au rire, quand le vent est au blé Quand le vent est au sud, écoutez-le chanter Le plat pays qui est le mien.

Et pourtant... Pourtant il y a la dernière partie de la chanson, bien éloignée des premiers vers, où son pays "chante"... Mais seuls les gens qui sont nés dans ces régions, certes où il y a moins de soleil que dans le sud, peuvent apprécier la beauté de ces ciels rarement d'un bleu uniforme où les nuages prennent des formes à vous faire rêver et de ces paysages. Et puis 15 ans plus tard, après avoir tourné le dos à une vie axée sur la chanson pour aller commencer une autre vie dans les mers du sud. A Hiva Oa, sur cet ilôt où un siècle auparavant était parti s'installer Gaugin, il écrivit cet hymne à la vie, cet éloge d'un certain détachement qu'il nous faudrait acquérir avant de conclure comme lui: "gémir n'est pas de mise, aux Marquises". Mais si Paul Gaugin avait quitté sa Bretagne pour s'y consacrer pleinement à la peinture (le monde de la métropole lui déplaisait-il tant?) le grand Jacques, qui avait appris à piloter des avions, aida les habitants en allant d'ile en ile avec Jojo, son avion. Et il nous laissa cette chanson, pour moi sans doute l'une des plus belles, voire la plus belle qu'il est écrite, même si elle est moins connue que la précédente ou "Amsterdam" ou "Ne me quitte pas"...

Ils parlent de la mort comme tu parles d'un fruit Ils regardent la mer comme tu regardes un puits Les femmes sont lascives au soleil redouté Et s'il n'y a pas d'hiver, cela n'est pas l'été La pluie est traversière, elle bat de grain en grain Quelques vieux chevaux blancs qui fredonnent Gauguin Et par manque de brise, le temps s'immobilise Aux Marquises

Du soir, montent des feux et des points de silence Qui vont s'élargissant, et la lune s'avance Et la mer se déchire, infiniment brisée Par des rochers qui prirent des prénoms affolés Et puis, plus loin, des chiens, des chants de repentance Et quelques pas de deux et quelques pas de danse Et la nuit est soumise et l'alizé se brise Aux Marquises

Le rire est dans le cœur, le mot dans le regard Le cœur est voyageur, l'avenir est au hasard Et passent des cocotiers qui écrivent des chants d'amour Que les sœurs d'alentour ignorent d'ignorer Les pirogues s'en vont, les pirogues s'en viennent Et mes souvenirs deviennent ce que les vieux en font Veux-tu que je te dise : gémir n'est pas de mise Aux Marquises

Oui, Jacques Brel avec ces deux textes nous offre un fabuleux raccourci de ce que fut sa vie, sous nos latitudes et beaucoup plus au sud.

mardi 26 août 2008

... pour qui doute...

La nuit n'est jamais complète,
Il y a toujours,
Puisque je le dis,
Puisque je l'affirme,
Au bout du chagrin,
Une fenêtre ouverte,
Une fenêtre éclairée,
Il y a toujours un rêve qui veille.
Désir à combler,
Faim à satisfaire,
Un coeur généreux,
Une main tendue,
Une main ouverte,
Des yeux attentifs,
Une vie,
La vie à se partager.
Paul Eluard (1895-1952)
(Recueil : Le Phénix, 1951)

lundi 25 août 2008

Ombre et lumière (3) avec les photographes

Nous vivons dans un monde de couleurs et pourtant il y a toujours des photographes qui usent du noir et blanc... Petite balade dans l'espace et le temps avec quelques-uns de ceux qui, comme Edouard Boubat dont j'ai déjà parlé, voient parfois, voire toujours, le monde en noir et blanc... Henri Cartier-Bresson: http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Cartier-Bresson Edward Curtis: http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_S._Curtis Jean Dieuzaide: http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Dieuzaide William Klein: http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Klein Willy Ronis: http://fr.wikipedia.org/wiki/Willy_Ronis Eugène Smith: http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Eugene_Smith
Le noir et le blanc: ces deux couleurs qui transcrivent si bien l'ombre et la lumière entre lesquelles oscillent nos vies.

dimanche 24 août 2008

Ombre et lumière (2) avec Georges de la Tour

N'ayant reçu aucune formation en matière d'arts, ce n'est que récemment que j'ai pris conscience que deux de mes peintres préférés appartenaient au même courant pictural: le baroque. Mais compte tenu de l'époque, non seulement ils ne se sont probablement jamais rencontrés, mais ne connaissaient sans doute pas leurs oeuvres respectives. Ils partagent en outre un autre point commun, celui d'avoir été relativement connus à leur époque avant de sombrer dans l'oubli (la fréquente absence de signature sur leurs oeuvres ayant probablement joué) et d'être redécouverts au XXème siècle.
Mais si Veermer s'est surtout rendu célèbre par ses scènes diurnes de la vie quotidienne hollandaise, dont beaucoup étaient reconstituées dans son atelier, Georges de La Tour s'est quant à lui illustré dans la représentation de scènes plus souvent religieuses, notamment nocturnes, où le clair-obscur est plus qu'une technique picturale.
Le thème de "Marie-Madeleine" l'a particulièrement inspiré.
Des six qu'il a peintes, je retiendrai celle que, dans un petit livre "l'ABCdaire" de Georges de La Tour, les auteurs appellent "Marie-Madeleine Whrighsman". Pourquoi? Parce que contrairement aux autres tableaux le peintre y fait figurer à la fois la vie ancienne de Marie-Madeleine, via le miroir richement décoré, les bijoux tombés à terre, la jupe rouge brodée... mais sa vie future avec la flamme de la bougie qui éclaire un visage dont on ne peut voir que le profil perdu et les longs cheveux qui tombent sur les épaules.
Deux autres tableaux me plaisent particulièrement:
l'un: "le nouveau-né" parce qu'il figure dans les collections du musée de la ville où je suis née,
l'autre: "l'Ange appa rais sant à saint Joseph" parce qu'il appartient à celles de la ville où je réside.
Ils permettent en outre, avec la Marie-Madeleine précédemment mentionnée d'illustrer l'unes des phrases qui figure dans le livre:
"Les théologiens et les mystiques opposent deux types de lumière, lux et lumen, qui se jouent aussi dans la représentation picturale. La première éclaire les corps de l'extérieur, sa source étant la lumière artificielle, celle des flammes, bougies, veilleuses, (...) La seconde est une lumière spirituelle, ou divine, et éclaire de l'intérieur comme si le corps lui-même la produisait(...)"
Et même agnostique, on se surprend alors à regarder les tableaux tout autrement... Tout comme on peut le faire avec d'autres images, beaucoup plus récentes celle-là.

... et pour ceux qui comme Alix et Maria aiment Georges de La Tour...

... deux autres tableaux de ce peintre qu'elles ont mentionnées dans leurs commentaires (de l'avantage des dimanches pluvieux qui permettent de surfer sur le net et compléter les messages mis en ligne... quitte à tricher un peu avec les heures...)
"Job et sa femme" connue aussi sous le titre "le prisonnier" qui figure dans les collections du musée d'Epinal.
C'est que tableau que René Char avait affiché dans son P.C. de résistant et a écrit à son sujet "...[Elle] semble, avec le temps, réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le coeur mais combien désaltère... Reconnaissance à Georges de la Tour qui maîtrisa les ténèbres hitlériennes avec un dialogues d'êtres humains."
Et "St Joseph Charpentier" qui ainsi que le mentionne Maria-D appartient aux colections du Musée du Louvre.
... en espérant que les couleurs de ces oeuvres dont le rouge brille d'une manière qui m'a toujours éblouie, n'auront pas été trop altérées au moment où elles sont été photographiés puis leur photo mise en ligne.
Problème que j'avais déjà relevé en comparant les différentes reproductions d'une même oeuvre dans différents ouvrages et que l'on retrouve en fonction de la configuration des écran de PC... Mais qui existe dès le départ. Qui n'a jamais pesté comme la lumière qui, dans les musées, tombe sur les cimaises?..

samedi 23 août 2008

Ombre et lumière (1)

Depuis quelques messages, je tourne autour du sujet sans jamais vraiment l'aborder, celui de l'ombre et la lumière.
Il était présent avec les héroïnes de François Bourgeon dont la personnalité est plus complexe qu'il ne le paraît au prime abord.
Ainsi Isa, si elle se rebelle contre le milieu dont elle est issue, n'ira pas au bout de sa logique. Et à cause de cela elle perdra Hoël, son beau marin aux yeux bleus trop lucide. Lucide Hoël qui un jour lui dira un jour ce qu'il pense d'elle: qu'elle est heureuse de le trouver mais qu'ils ne sont pas du même monde, et surtout qu'elle n'est pas prête à unir sa destinée à la sien. Ensemble/séparés, ensemble/séparés. Que de fois ne le seront-ils au fil d leurs aventures avant que Hoël ne quitte l'île et devienne pirate et Isa qui a tout perdu, renonçant à entrer plus avant dans la mer, ne revienne sur le rivage
Il était présent avec Ari Foldman qui dans "valse avec Bachir" avant de chercher à retrouver la mémoire passe de nuit en voiture devant des réverbères: ombre/lumière, ombre lumière... bourreau/victime, bourreau/victime... ... bourreau parce qu'il est d'autres manières de l'être qu'en tenant un arme, par exemple en refusant de voir...
... et victime parce que devoir refouler au fond de soi des souvenirs pénibles n'est jamais une chose que l'on souhaite à autrui.
Et même Johnny qui parti comme tant d'autres la fleur au fusil, ce qui nous donne droit à ces images en couleur de sa vie d'avant.
Johnny dont la vie d'après n'est plus illustrée que par des images en noir et blanc, parce que le réalisteur pouvait difficilement aller plus loin et ne plus nous donner qu'un écran noir avec juste une bande son.
Ce qu'osera faire pendant quelques instants le réalisateur coréen Im Sang-soo du film "le vieux jardin" en plongeant la salle dans l'oscurité complète pendant quelques très longues secondes où l'on retient ses propres larmes tandis que l'on entend le héros, mis au secret, qui craque et pleure comme on pleure lorsqu'on croit avoir tout perdu et être abandonné de tous.
Mais ne sommes-nous pas fait nous même d'ombre et de lumière et c'est sans doute pour cela que ce peintre lorrain nous touche tant, plus de 350 ans après sa mort.

jeudi 21 août 2008

Le dormeur du val

Je ne sais pourquoi il y aura toujours des hommes qui penseront ce genre de chose:
"Bien que sans patrie et sans roi
Et très brave ne l'étant guère
J'ai voulu mourir à la guerre
La mort n'a pas voulu de moi..."
Paul Verlaine in "Sagesse"
Et revenir dans l'état du "Johnny..." de Dalton Trumbo " Vous aurez peut-être la chance de mourir pour votre pays. Mais il se peut que vous ne mourriez pas il se peut que vous reveniez dans cet état. Tout le monde ne meurt pas mes petits enfants. " Et si le corps est intact, d'autres choses sont mortes et ils souffiront pour certains à jamais de troubles post-traumatiques beaucoup plus graves que l'amnésie décrite par Ari Foldman. Alors, puisque tuer ou être tué semble faire partie de la nature humaine, la fin imaginée par Arthur Rimbaud en devient presque préférable.
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort.Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,Tranquille.
Il a deux trous rouges au côté droit.

mercredi 20 août 2008

"Johnny got his gun"

Il y a environ 35 ans de cela un après-midi là j'ai quitté rapidement la salle de cinéma de mon quartier où passait « Johnny got his gun », un film réalisé en 19.. par Dalton Trumbo.
Dehors il faisait beau, un beau soleil d'été brillait dans un ciel uniformément bleu, rendant encore plus atroce le contraste avec les images en noir et blanc sur lesquelles se concluait le film avec les restes d'un soldat, un tronc en réalité dont les membres avaient été arrachés par une explosion durant la guerre de 14/18. Les membres et une bonne partie du visage ce qui faisait que pendant longtemps, l'ancien soldat ne pouvait communiquer avec son entourage. Du moins jusqu'au moment où il se rappelait avoir appris le morse et commençait à « parler ».
Mais le film se terminait sur une demande inacceptable pour l'état-major auprès duquel il la formulait. Une demande qui trouvait sa source dans les idées pacifistes de Dalton Trumbo , idées qu'ils avaient posées sur le papier dès 1938.
Il va de soit que peu dans l'air du temps, elles furent alors peu appréciées. Et cela même lorsque Dalton Trumbo songeat à retravailler son ouvrage en 1959 (aprèsla guerre de Corée) ou en 1970 (durant la guerre du Viet-Nam).
Que demandait ce soldat. Peu de chose mais tellement en réalité. Il voulait retrouver des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, une bouche pour parler, rire, embrasser Il voulait sortir, ne plus être enfermé comme un mort-vivant.
Et surtout, surtout, il voulait témoigner.
« Emmenez-moi dans les lieux où les hommes travaillent et produisent. Emmenez-moi là bas et dites-leur (...) les temps sont peut-être durs et vos salaires sont bas. Ne vous faites pas de soucis les gars car il y a toujours un moyen de remédier à cela. Faites une guerre et alors les prix monteront et les salaires monteront et tout le monde gagnera des floppées d'argent. (...) Emmenez-moi dans les écoles toutes les écoles du monde. Laissez venir à moi les petits enfants c'est bien cela. Il se peut qu'ils poussent des hurlements au début et qu'ils aient des cauchemars mais il s'y habitueront car il faut qu'ils s'y habituent (...) viens ma petite fille viens mon petit garçon venez jeter un coup d'oeil sur papa. Venez jeter un coup d'oel sur ce que vous serez un jour (...) Vous aurez peut-être la chance de mourir pour votre pays. Mais il se peut que vous ne mourriez pas il se peut que vous reveniez dans cet état. Tout le monde ne meurt pas mes petits enfants. (...) Emmenez moi dans les lieux où se tiennent les parlements et les diètes et les sénats et les chambres de députés. Je veux être présent quand ils parleront d'honneur et de justice et de sauvetage de la démocratie dans le monde (...) et de l'autodétermination des peuples (...) Mais avant qu'ils passent au vote avant qu'ils donnent à tous les petits gars l'ordre de commencer à s'entretuerque le grand manitou frappe sur la cage et me désigne à l'assistance et dise messieurs il y a une seule question qui ait de l'importance pour cette assemblée c'est de savoir si vous êtes pour cette chose-là ou si vous êtes contre (...) »
A cette demande, Johnny n'obtenait que la réponse suivante: « Ce que vous demandez est contre le règlement. Qui êtes vous »
Il comprenait alors ceci « (...) ils voulaient simplement l'oublier. Il pesait sur leur conscience aussi l'abandonnaient-ils le délaissaient-ils (...) »
Et Johnny avant de s'endormir drogué afin qu'il ne frappe plus, avant que ce qu'il appelait le cercueil ne soit refermé sur son corps de mort-vivant, n'avait pour sule satisfaction qu'un jour grâce à des hommes tels que lui, les autres pourraient refuser de partir à la guerre et se révolter.

lundi 18 août 2008

"Valse avec Bachir"

Ce film, je n'y avais pas vraiment fait attention, même lors de sa sortie lors du festival de Cannes. Et il a fallu un billet de « Verveine citron » http://monjardinamoi.canalblog.com/archives/films/index.html pour que, intriguée, j'aille au delà des mots du titre et de l'affiche et que j'aille le voir au cinéma.
Un film? Plutôt un de ces OFNI (Objet Filmé Non Identifié) comme l'étaient « le grand silence » dont j'ai déjà parlé et « jour après jour » dont je parlerai une autre fois.
En réalité, il s'apparente aussi bien: * à une BD mise en images (plus qu'au film d'animation car celle-ci est assez basique par rapport à ce à quoi les studios Walt Disney ou Pixar nous ont habitué) * à un film (quant à sa construction avec notamment des scènes récurrentes dont le "rêve" du héros
qui reviendra par trois fois avant que l'on passe, tout à la fin à de véritables images tirées des rares vidéos réalisées lorsque les gens ont pu entrer dans les camps de Beyrouth ouest en 1982 * au documentaire avec, pour reconstituer la mémoire défaillante du « héros », le réalisateur lui-même: Ari Folman, des interviews de personnes ayant participé aux faits ou expliquant comment ils les ont vécu au plus profond d'eux même via des rêves.
Ces rêves comme celui avec les 26 chiens tués raconté tout au début du film celui avec la géante qui emmène un soldat loin de la tuerie
celui du réalisateur qui émerge de la mer avant d'être cerné par des femmes en pleurs (et qui figure dans la bande annonce)
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18816964&cfilm=125077.html expliquent assez bien l'état d'esprit de ces très jeunes gens lorsqu'ils sont partis faire la guerre au Liban, ou après qu'ils en soient revenus, marqués à jamais au point d'être parfois devenus amnésiques.
Oublié comment dans un verger un pré-adolescent palestinien isolé a pu user d'un lance-roquette pour détruire un char avant d'essuyer en représailles les tirs de plusieurs soldats. Ou blié comment un soldat a pu danser par défi avec sa mitraillette sous le feu des snipers...
Pour survivre il faut pouvoir d'abord essayer de travestir la réalité, un peu comme le réalisteur qui arrivé à l'aérport de Beyrouth se refuse d'abord de voir à quel point il est dévasté. Plus tard, ne pas vouloir comprendre ce massacre qui se met en place, parce que cette réalité est trop choquante pour eux dont les parents ont été victimes des nazis, et qui se sont à un moment retrouvé dans la position, si ce n'est des bourreaux, du moins dans celle des riverains plus ou moins passifs qui ont contribué à laisser, à laisser tuer... avant de constater que l'ils pensent avoir tout oublié.
Fallait-il choisir cette forme là: celle de la bande dessinée qui s'apparente plus à « Maus » que de la reconstitution (il n'existe pas d'image d'archives des massacres dans les camps de Sabra et Chatila, juste quelques images tournées après le départ des milices chrétiennes) ou que d'une succession de témoignages oraux façon « Shoah »?
Je ne sais.
Une chose est cependant certaine: dans la salle de cinéma où ce film israëlien passait en VO, plus d'un spectateur a été touché car nombreux sont ceux qui sont restés sur leur siège pendant que défilait le générique... Quand je suis ressortie, dehors il faisait beau et doux et j'ai repensé à un film de Dalton Trumbo, inspiré de son propre livre, à moins que ce ne soit l'inverse, vu bien des années auparavant.

dimanche 17 août 2008

de merveilleurs raconteurs (3)

Cette fois-ci, il sera fait état d'un autre type de raconteur qui appartient au monde du 9ème art. Ce dessinateur, François Bourgeon, a créé trois personnages de femme, de fiction certes, mais qui n'en ont pas moins une réelle épaisseur de par la personnalité dont il les a dotées et par le soin qu'il a apporté au contexte historique re-visité (avec Isa), auquel il apporte une touche de fantastique (avec Mariotte) voire purement et simplement créé (avec Cyann).
Isa au temps du commerce triangulaire
Isa est apparue dans la série « les passagers du vent » publiée à partir de 1979 dans la revue de bande dessinée Circus.
L'histoire commence très fort avec l'échange de vêtements fait, par jeu, par deux petites filles: Agnès d'origine noble et sa soeur de lait, orpheline, Isabelle. Ce jeu devient dramatique car il s'ensuit un échange d'identité que personne ne décèle. Après des années de couvent Agnès, devenue Isa, retrouve sa compagne de jeu qui avoue la réalité, juste avant de mourir en pleine bataille navale.
Tout comme le frère de Isa, tué par erreur par un beau marin aux yeux bleus amoureux de Isa et qui, chose rare à l'époque, a fait quelques études. Avec lui, Isa la rebelle ira très loin, d'abord en Angleterre où elle rencontrera Mary, puis en Afrique et enfin sur une plage du nouveau continent où elle sera bien proche de renoncer à la vie.
Mais les aventures d'Isa sont bien plus que cela. Après un volume consacré aux guerres navales, un autre aux geôles anglaises, pendant trois volumes François Bourgeon décrit par le menu ce que fut le commerce triangulaire. Avec ces livres, je ne peux plus désormais regarder du même oeil ces belles demeures nantaises de l'île Feydeau dont beaucoup ont vu leur construction rendue possible grâce à ce commerce qui fût extrêmement bien organisé avec notamment la mise en place du « code noir » lequel fût, je présume, abrogé uniquement avec l'abolition de l'esclavage grâce à Victor Schoelcher... en 1848.
5 livres décrivent les aventures de Isa, 5 livres dont il faut absolument prolonger la lecture par le hors série de Michel Thiebaut: Tome 1 : La Fille sous la dunette Tome 2 : Le Ponton Tome 3 : Le Comptoir de Juda Tome 4 : L'Heure du serpent Tome 5 : Le Bois d'ébène et Les Chantiers d'une aventure : autour des passagers du vent de François Bourgeon.
Mariotte et la guerre de cent ans
Après Isa et le 18ème siècle, Bourgeon a décidé de revenir à l'univers médiéval via la série des "Compagnons du Crépuscule" sortie à compter de 1983.
Il y raconte l'histoire de Mariotte (paysanne rousse peu appréciée par les habitants de son village car elle est rousse et vit chez sa grand-mère que l'on dit un peu sorcière) et d'Anicet (paysan opportuniste et bien souvent lâche) recueillis par Le Chevalier (qui s'en revient défiguré des Croisades) après que de leur village eût été pillé par les soldats pendant la guerre de Cent ans. Jeune fille courageuse et déterminée, Mariotte arrivera à trouver sa place après avoir croisé le chemin de trois des femmes qui ont compté pour Le Chevalier: la blonde Blanche, la rousse Carmine et la brune Neyrelle et que sous d'autres traits on retrouvera à la fin du cycle. Trois femmes qui qui renvoient aussi aux trois couleurs de base du monde médiéval. Le récit de François Bourgeon est une superbe fresque historique, avec là aussi le sens du détail qu'on lui connaît par rapport à la vie quotidienne (la vie dans les bains publics de l 'époque: les étuves, la place des juifs, la vie dans les monastères...) une vie où les superstitions et le recours à la magie, rêvée ou réelle, contrastent avec l'horreur de la guerre.
Là aussi la lecture des 3 tomes gagne à être prolongée de celle du hors série: Tome 1 : Le Sortilège du bois des brumes, Tome 2 : Les Yeux d'étain de la ville glauque, Tome 3 : Le Dernier Chant des Malaterre et Dans le sillage des sirènes : autour des compagnons du crépuscule de François Bourgeon (de Michel Thiebaut)
Cyann, la voyageuse du futur
Dix ans plus tard, François Bourgeon entame dans la revue A Suivre, la pré-publication de La Source et la sonde qui fait partie de la série "Le cycle de Cyann", un récit futuriste .
Dans un lointain futur, les fièvres pourpres déciment la population mâle, et uniquement elle, compromettant à terme le devenir de la planète. Cyann Olsimar, fille aînée du dictateur local, et devenue l'héritière en titre depuis la mort de son frère, est appelée à diriger une expédition sur ilO, la planète originelle, où elle espère trouver un antidote. De toute façon, étant soupçonnée de meurtre, commis en réalité par une de ses amies qui a utilisé une de ses armes, il valait beaucoup mieux qu'elle parte. Cyann explorera ilO et évoluera beaucoup car, comme les autres héroïnes dessinées par François Bourgeon, elle est dotée d'une forte personnalité... avec aussi des zones d'ombre.
Quatre volumes: Tome 1 : La sOurce et la sOnde, Tome 2 : Six Saisons sur ilO, Tome 3 : Aïeïa d'Aldaal, Tome 4 : Les Couleurs de Marcade, et un Hors Série : La Clé des confins : D'Olh à ilO et au-delà permettent de mieux appréhender cette femme et les univers créés par ce dessinateur.
Avec ces trois femmes, François Bourgeon s'éloignait de plus en plus de la réalité en plongeant dans le fantastique, un fantastique bien ancré dans une certaine réalité. Un cinéaste a récemment emprunté un chemin en quelque sorte en réalisant un film qui est en réalité un documentaire qui prend appui sur un support... de type bande dessinée animée.

vendredi 15 août 2008

de merveilleux raconteurs (2)

Certains « raconteurs », c'est avec leur propre vie qu'ils nous passionnent. Ce n'est pas forcément une vie extraordinaire, mais ils ont l'art de vous intéresser à ce quotidien qui a été le leur, ce qu'il a à la fois d'intemporel et de spécifique, tout en amenant à vous interroger sur ... d'une certaine manière le sens de la vie. Les plus doués sont en plus dotés d'un humour qui se double, à moins que ce ne soit l'inverse, d'un immense respect pour la majeure partie des gens qu'ils ont croisés, ce qui rend leur témoignage encore plus passionnant.
Le premier de ces hommes s'appelait Bernard Alexandre.
Qui aurait cru que le récit de celui qui n'était qu'un curé de campagne, plus connu sous le nom de « Père Alexandre » passionnerait même des agnostiques que la vie en pays cauchois (la région du pays de Caux en Normandie) laissait jusque là indifférents? Mais c'est un fait, son livre « le Horsain » paru en 1988 dans une collection «Terre humaine» (avant d'être re-édité en pocket) en a passionné plus d'un.
Et c'est quoi sa vie? Celle d'un homme né le 26 Juin 1918 au Havre où il va passer son enfance. Poursuite des études au petit séminaire de Rouen avant d'être, parce qu'il est atteint de tuberculose, soigné dans un sanatorium du clergé dans les Alpes-Martimes et d'être ordonné prêtre en plein pays de Caux. Face à ses paroissiens qui ne lui demandaient guère que d'être un bon sacristain, il fût beaucoup plus. A titre professionnel, il a été le témoin de la vie sociale en Haute-Normandie mais aussi de l'Eglise traditionnelle qui se meurt, une Eglise qu'il défend peu, lui préférant nettement une autre Eglise ouverte sur le monde. S'ouvrir au Monde et aider les autres à le faire. Il le fera à titre privé via le cinéma: il va ainsi créer un centre de recherche filmologique, des circuits de cinémas ruraux, des téléclubs, en particulier pour les enfants. Mais il a aussi conseillé et dirigé plusieurs films de télévision.
Je viens juste de m'apercevoir que ce passé religieux est un élément commun avec l'autre raconteur dont je voulais parler: Alain Rémond.
Pendant des années il a été pour moi uniquement le chroniqueur de la page «Mon oeil» que je lisais alors chaque semaine, toujours en priorité, dans la revue « Télérama ». Il n'avait pas son pareil pour raconter les émissions de télévision qu'il avait vues (les biens... et les nulles) ... ou alors dont il avouait, mi honteux mi excédé, mais avec un immense humour, qu'il ne les avait pas vues.
Si Bernard Alexandre était normand, Alain Rémond est lui breton. Né en 1946 à Mortain. D'accord c'est dans la Manche, mais il va passer l'essentiel de son enfance du côté de Dol avant de devenir pensionnaire à Saint Malo où il intégrera finalement le petit séminaire, puis partira un an au Canada dans le cadre de la poursuite de sa formation religieuse... De retour en France, il fera des études de philosophie avant de se marier et devenir journaliste de la presse écrite (Télérama, Paris-Hebdo, les nouvelles littéraires, Marianne, La Croix) et télévisuelle (arrêt sur image)
Mais un jour lui est venu le besoin de parler de son enfance, de cette fratrie de 10 où la mère est restée de longues années à s'occuper de ses enfants, où le père buvait, et où la vie n'était pas toujours facile. C'est celle-ci qu'il raconte dans « Chaque jour est un adieu ». Ayant eu le sentiment d'être mal compris, notamment quand il parlait de la « guerre » qui régnait entre ses parents et qui fût souvent comprise, à tort, comme le fait que son père battait sa mère, il a poursuivi l'exploration de son passé, celui de son adolescence cette fois-ci, avec « un jeune homme est passé ». Je n'ai par contre pas lu le dernier volume « une chanson dans la nuit ».
Ces deux hommes, via leurs biographies ont témoigné de ce qu'était la vie dans leur « pays » durant ces années-là. D'autres « raconteurs » passent par le biais de la fiction pour témoigner, mais ils le font de telle sorte que leurs personnages en deviennent presque réels.