samedi 28 février 2009

Yolande EST Séraphine

Je viens de m'apercevoir que je suis un jour en retard car je voulais parler de Yolande Moreau en croyant que la cérémonie des Césars c'était ce soir. Loupé car je viens juste de lire ceci sur le net.
"Séraphine", de Martin Provost, a dominé la 34e cérémonie des César vendredi soir, remportant sept récompenses, dont celles du meilleur film, du meilleur scénario original et de la meilleure actrice pour Yolande Moreau.

Tant pis! Je parlerai quand même non pas du film "Séraphine" auquel j'ai déjà consacré un billet et dont je suis très contente de la carrière qu'il fait (il reste encore à l'affiche de beaucoup de cinémas) grâce à un excellent bouche à oreille, un peu comme "le grand silence" un an auparavant, mais de Madame Yolande Moreau.

Une grande Dame dont les qualités artistiques sont enfin reconnues, elle qui pendant des années a été cataloguées par le grand public à la grosse dame en blouse des Deschiens... même si avec son personnage de la concierge dans "le fabuleux destin d'Amélie Poulain" elle avait acquis une autre image. C'était aussi avant "Quand la mer monte" qui a connu un certain succès.
Une grande Dame donc, dont je viens juste d'apprendre qu'elle a cinq ans de plus que moi puisque nous sommes nées toutes les deux un 27 juillet. Une grande Dame qui a connu quelques années de galère qu'elle décrit dans un article que lui a consacré Télérama et dont sont tirées les deux photos de ce billet.

Une grande Dame dont la plastique tant au niveau visage qu'au niveau silhouette n'a contrairement à tant de jeunes premières, contribué en rien à sa renommée. Dans "Séraphine" elle est mal fagotée, mal coiffée, avec des mains souvent sales aux ongles plus que douteux.
Il n'en demeure pas moins qu'elle est belle et qu'il émane d'elle une immense sensualité. Et cela dès les 1ères scènes où on la voit marcher de nuit, juste éclairée par un petit quartier de lune, toute habillée dans un ruisseau en caressant au passage les herbes, les algues.... Plus tard aussi lorsqu'elle monte dans un arbre pour regarder au loin et laisser le vent caresser son visage. Et que dire quand l'été venue elle chantonne en se baignant nue dans ce même ruisseau...

Elle est très belle aussi lorsque la caméra la montre en train de peindre. Même dans des films tels que "la belle Noiseuse" de Rivette ou "Camille Claudel" de Nuytten, peut-être le "Van Gogh" de Pialat, je n'avais pas le souvenir d'avoir vu aussi bien montré cette sorte d'extase un peu douloureuse de l'artiste à l'oeuvre.

Ainsi donc elle a reçu le César de la meilleure actrice. Et j'en suis ravie parce que le film va probablement ressortir dans un certain nombre de salles et que j'irai certainement le et surtout LA revoir une troisième fois en attendant la sortie du DVD.

vendredi 27 février 2009

Les vies autour de Benjamin Button (1)

Étrange vie que celle de M. Gâteau (rôle joué par Elias Koteas, un acteur canadien) un horloger aveugle à qui avait été confié la tâche de réaliser la grosse horloge qui devait indiquer l'heure aux usagers de la gare centrale de la nouvelle Orléans.
On n'entendra jamais sa voix car c'est Benjamin Button qui ne l'a jamais rencontré qui raconte sa vie. Et ce qui suit est cité de mémoire car je n'ai vu le film qu'une fois

Oui une étrange vie que celle de M. Gâteau. Marié à une créole dont il avait eu un enfant, il commença la confection de ladite horloge avant la guerre où partit son unique enfant, un fils: Martin dont la mort durant les combats l'affecta tant qu'il cessa pendant un temps la mise au point de l'horloge demandée.

Et puis il se remit au travail pour achever ce qu'il avait commencé. Il tint même tout particulièrement à être présent sur la tribune le jour où l'horloge serait dévoilée et mise en route en présence de Théodore Roosevelt. Et là, stupeur de toutes les personnes présentes quand il s'avéra que l'horloge fonctionnait... mais à l'envers. Stupeur de toutes les personnes sauf M. Gâteau qui détrompât rapidement ceux qui croyaient qu'il s'agissait là d'une erreur due à sa cécité.
Il l'avait en fait conçue ainsi comme un cri pacifiste dans sa vie désormais emplie de désespoir puisqu'il n'est pas possible de remonter le temps alors il faudrait que des parents n'aient jamais été informés que leurs enfants étaient morts à la guerre, que les fils ne soient pas partis à la guerre.
Mais ce n'est pas possible, alors il faut se souvenir.

Pendant tout son discours, on revoie exactement les mêmes images qui ont défilé quelques minutes auparavant sur l'écran. Mais à l'envers cette fois-ci. Et à la fin de son discours la foule, très émue, et i est difficile de ne pas l'être, ne peut qu'accepter son choix.
Après cela M. Gâteau disparut à jamais, certains disant qu'il vécut le reste de sa vie dans son ancienne boutique, d'autre qu'il avait pris une barque pour aller très loin sur la mer et ne jamais revenir.

L'horloge restera en place du moins jusqu'au moment où elle fût remplacée par une horloge à affichage digital. L'horloge de M. Gâteau fût elle remisée dans quelque recoin d'un entrepôt avant d'être noyée sous les torrents d'eau qui envahirent en 2002 la Nouvelle Orléans lorsque les digues rompirent après le passage de l'ouragan Katarina.

jeudi 26 février 2009

Problème de temps...

... alors, désolée Malaussen, mais l'histoire de l'horloger qui, dans le film "l'étrange histoire de Benjamin Button", avait aussi retenu mon attention, ce sera pour demain.
Et oui les jours ne durent que 24 heures, et il est impossible de remonter le fil du temps

mercredi 25 février 2009

l'étrange histoire... le livre, le film

L'étrange histoire de Benjamin Button est d'abord un livre.
Une nouvelle en fait, d'un peu moins de 50 pages, écrite par F.S. Fitzgerald et qui figure dans un recueil intitulé "les enfants du jazz". Dans cette nouvelle, le héros est censé être né en 1860 et mort au moment où l'auteur finissait d'écrire la nouvelle, soit en... 1922. Et l'on comprend très vite que l'excellent choix qui a été fait de faire naître le héros le 11 novembre 1918 pour mourir 80 ans plus tard.
En fait, le scénariste du film n'a gardé de la nouvelle que cette idée d'un enfant qui naît avec l'apparence d'un vieillard et qui rajeunit tout au long de sa vie. Il a considérablement brodé avec de multiples histoires qui donnent envie comparer par certains côtés le film au livre... "la vie mode d'emploi" de Georges Perec.

Trois différences essentielles donc entre le livre et le film.
Une différence temporelle puisque l'action se situe cinquante ans plus tard, ce qui permet d'aller des quelques années qui ont précédé 1918 à l'ouragan Katharina qui a ravagé la Nouvelle-Orléans en 2002, avec entretemps quelques temps forts bien ancrés dans la réalité historique.
Un différence d'espace puisque l'action se déplace de la région de Baltimore à celle de la Nouvelle-Orléans, ce qui permet d'introduire l'élément marin, mais passe aussi par d'autres régions du monde comme le nord de la Russie, l'Europe et notamment Paris.
Une différence enfin quant au caractère du héros qui dans la nouvelle est un pur produit de la bourgeoisie de Baltimore, un homme sur de lui, ce qu'il restera dans sa tête quasiment toute sa vie, alors que le héros du film doutera beaucoup, et surtout sera beaucoup plus ouvert, notamment aux autres, ce qui donne l'occasion de se voir raconter de nombreuses petites histoires tout au long du film (et qui feront l'objet de billets à venir)

Trois différences? Non quatre.
Car le film, c'est l'histoire certes de Benjamin, mais aussi celle de ce qu'il a vécu avec Daisy, la femme qu'il aimée dès qu'il l'a rencontrée pour la 1ère fois de sa vie.
Une femme qu'il quittera le temps qu'elle grandisse et vive sa vie de femme avant de la rejoindre pour quelques années de vie commune. Une femme qu'il abandonnera avec leur petite fille pour lui éviter d'avoir à élever à un moment deux enfants: le leur et lui même qui rajeunit. Une femme qu'il aimera en fait toute sa vie. La femme qui l'accompagnera lorsqu'il redeviendra dans son corps et sa tête un enfant et qu'il oubliera tout, petit à petit. Tout, sauf au seuil de la mort lorsque il la regardera et qu'elle aura la certitude qu'il sait qui elle est.

Je retournerai voir le film: deux heures de bonheur avec beaucoup d'émotions. La nouvelle je pense que je ne la relirai pas.

mardi 24 février 2009

coïncidences (1)

Il aurait du être question de la nouvelle de F.S. Fitzgerald: "l'étrange histoire de Benjamin Button" et de son passage plus que réussi à l'écran. Dans le film, il est notamment question de l'horloger aveugle qui construisit l'horloge de la gare de la Nouvelle-Orléans laquelle renvoyait à la grande guerre (mais de cela il sera question une autre fois). En effet, entretemps il y a eu sur

http://malaus-n.nuxit.net/dotclear/

le récit consacré à un spectacle relatif à des lettres de Poilus écrites durant la grande guerre. Ce qui m'a renvoyé à un autre site consacré aux monuments aux morts pacifistes,

http://moulindelangladure.typepad.fr/

lequel avait en exergue cette phrase de Jean Jaurès: "L'humanité est maudite si pour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement." Et parmi les monuments aux morts photographiés figure celui de Peronne (ville picarde dans laquelle est située un Musée consacré à cette guerre de 14-18) qui n'a pas été sans me rappeler un autre monument situé dans un jardin public sur la butte Ste Anne à Nantes. Alors il est devenu encore plus évident que Benjamin Button, même né le 11 novembre 1918, attendrait encore un peu.

lundi 23 février 2009

...juste quelques mots...

Ceux de Léo Ferré

Avec le temps... Avec le temps, va, tout s'en va On oublie le visage et l'on oublie la voix. Le coeur, quand ça bat plus, c'est pas la peine d'aller chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien

Avec le temps... Avec le temps, va, tout s'en va L'autre qu'on adorait, qu'on cherchait sous la pluie, l'autre qu'on devinait au détour d'un regard, entre les mots, entre les lignes et sous le fard d'un serment maquillé qui s'en va faire sa nuit, avec le temps tout s'évanouit

Avec le temps... Avec le temps, va, tout s'en va Mêm' les plus chouett's souv'nirs ça t'as un' de ces gueules à la Gal'rie j'farfouille dans les rayons d'la mort, le samedi soir quand la tendresse s'en va tout seule

Avec le temps... avec le temps, va, tout s'en va L'autre à qui l'on croyait pour un rhume, pour un rien, l'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux, pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous, devant quoi l'on s'traînait comme traînent les chiens

Avec le temps... Avec le temps, va, tout s'en va On oublie les passions et l'on oublie les voix qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens "Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid

Avec le temps... Avec le temps, va, tout s'en va Et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu, et l'on se sent glacé dans un lit de hasard, et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard, et l'on se sent floué par les années perdues

Alors vraiment avec le temps on n'aime plus.

dimanche 22 février 2009

... une photo et quelques mots (2)...

"... Beaucoup de femmes écrivent (...), dans leurs maisons gelées. Beaucoup ne publient pas. Ma vie me fait souffrir. Ma vie me tue le jour, la nuit je tue ma vie. J'attendais d'être reine. Je ne sais plus que mendier. Je voulais un bel amour. Je meurs de sale blessure. Et pourtant je suis là: indemne. Je souffre de ma vie intacte dedans ma vie ruinée. Je meurs de trop de chants dans trop peu de feuillage. Elle va dedans sa vie comme une aveugle. Elle va dans l'écriture comme un printemps..."

Christian Bobin in "Une petite robe de fête" éd° Gallimard 1991 & éd° folio août 2007

samedi 21 février 2009

... une photo et quelques mots (1)...

"... Qui n'a pas connu l'absence ne sait rien de l'amour. Qui a connu l'absence a pris connaissance de son néant (...)"

Christian Bobin in "une petite robe de fête"

éd° Gallimard 1991 ed° folio août 2007

vendredi 20 février 2009

...juste une photo...

...de Laurent Prum trouvée sur son site immemory

http://prumtiersen.typepad.com/

jeudi 19 février 2009

remonter le fil du temps...

... que ce soit de 3 jours,
de 33 jours, ou de 33 mois.

Dans la vraie vie,
ce n'est possible
qu'avec des photographies.
Il m'arrive parfois de le regretter.

mercredi 18 février 2009

...et d'autres histoires d'amour ont du mal à exister.

Trois exemples avec trois films vus durant la semaine écoulée.

Le week-end dernier c'était "l'étrange histoire de Benjamin Button" de David Ficher.
Avec toujours la vieillesse et la mort en toile de fond, Benjamin, qui est né dans le corps d'un bébé présentant toutes les apparences d'un homme de 80 ans, rajeunit de jour en jour et peut enfin vivre, la quarantaine venue, quelques années de bonheur avec celle qu'il avait rencontrée lorsqu'il avait 6 ans. Sauf que elle vit le processus normal du vieillissement. Et c'est dans ses bras à elle, désormais très âgée, que redevenu un nourrisson ayant tout oublié, il mourra.
Beaucoup de très belles scènes, trop pour toutes les raconter sauf peut-être dans un billet spécifique. Dont celle-ci qui, à sa manière, révèle la difficulté de faire durer l'attachement au fil des années: "M'aimeras-tu encore lorsque j'aurai des rides" ce à quoi il répond "Et toi m'aimeras-tu encore lorsque je ferai pipi au lit et que j'aurai peur du monstre sous l'escalier".
Et si cet amour-là met près de 40 ans a enfin être vraiment partagé, mais parfois il faut du temps et des épreuves pour qu'un amour s'installe, qu'il existe, dans ce film il perdure bien au delà des années qui passent.

Samedi c'était "Morse" de Tomas Alfredson où un très jeune adolescent blond solitaire qui est maltraité par ses congénères ne trouve un soutien que auprès de sa récente voisine brune qui semble avoir son âge que lui et dont il devine assez vite le secret: c'est une vampire.
Sur fond de froid, de neige (l'action se passe en hiver à Stockolm)
se noue entre ces deux solitaires, ces deux exclus parce que trop différents, une étrange relation d'amitié amoureuse qui ne pourra jamais se "conclure" puisque Eli, condamnée à l'éternité, ne souhaite pas la mort de Oskar, tout comme elle ne désire pas qu'il devienne comme elle. Etrange relation où chacun, à sa manière, aide et protège l'autre.
Mais il y a un présupposé: en réalité, ce qui permet au lien qui unit ces deux êtres de perdurer, c'est peut-être de pouvoir toujours accepter l'autre tel qu'il est.

Accepter l'autre tel qu'il est ou qu'il devient, tel n'est plus le cas de April vis-à-vis de Franck à la fin du film "les noces rebelles" de Sam Mendes.
Histoire assez classique: mère au foyer dans les années 50, après des quelques années de mariage et deux enfants, elle voudrait s'enfuir loin de cette maison implantée dans la grande banlieue d'une petite ville américaine. Alors elle propose à Franck de partir à Paris et de travailler pendant que lui restera au foyer pour mieux prendre le temps de trouver comment se réaliser, loin de son travail qu'il n'aime pas
Sauf que Franck, s'il partage comme April le désir de ne pas être comme les autres, est plus dans le rêve d'une autre vie, quitte à faire beaucoup de petits compromis, que dans la mise en oeuvre de celui-ci. Alors il saisira le prétexte d'une nouvelle grossesse de April et d'une promotion inespérée pour rester en Amérique. April ne le supportera pas, se révoltera avec les moyens qu'elle a et y perdra la vie.

Film, cette fois-ci sans effets spéciaux, bien ancré dans le réel, rempli de désillusions...

à ne surtout pas voir en couple lorsque les membres qui le composent doutent de leurs choix de vie, ne partagent plus les mêmes aspirations, les mêmes rêves, la même conception pour y arriver.

mardi 17 février 2009

clin d'oeil...

... après certains commentaires échangés avec Arlette et Michel G. au moment du second billet consacré à Asaki. Il arrive un moment où il faut changer dans sa tête et son "apparence" extérieure. Cela peut prendre différentes "formes" comme par exemple remplacer mangue verte, lotus et sycomore










par bergamote, jasmin et vanille. Avec une petite question en bonus pour les cinéphiles ayant fait le lien avec la vie d'une certaine actrice... "à ce moment-là aussi?" Là pour avoir la réponse il faut oser...

De plus en plus hermétique comme billet n'est-ce pas? Certes. Mais n'est ce pas le propre des chats? Et sait-on d'ailleurs un jour ce qu'ils pensent réellement?

lundi 16 février 2009

les coulées vertes de Nantes (1)

Belle journée hier alors j'ai voulu retourner sur une des coulées vertes de Nantes qui permettent en plein coeur de la ville de s'éloigner du bruit et, au milieu d'un décor rempli de verdure, entendre le bruit de l'eau, celui de la rivière Chézine qui deviendra ensuite souterraine pour se jeter dans la Loire, et le chant des oiseaux.
Très mauvaise idée! Déjà le gardien à l'entrée n'a pas l'air aimable.

Moins d'un an s'est écoulé depuis la dernière visite. Que de changements!
Il ne reste rien du côté sauvage qui faisait le charme de la balade car non seulement "ils" ont fauché les "mauvaises" herbes (les enfants en se bousculant lors des jeux ne risqueront plus de se piquer avec les orties) et déboisé, mais il y a désormais une large allée recouverte d'un sol bien dur, quasiment une autoroute à touristes du dimanche, à pied, en poussette, en vélo.

Il reste certes de loin en loin le bruit de l'eau, et pendant quelques mètres son odeur fraîche (mais pour combien de temps) et le chant des oiseaux. Mais le reste...
Le déboisement a eu cependant quelques avantages: il permet de repérer des détails qui n'avaient pas été remarqués jusqu'alors comme cet escalier ou cette balançoire tout au fond d'un jardin.

Mais l'un et l'autre apparaissent encore plus sinistres car il est évident que plus personne n'a utilisé l'escalier depuis des années et qu'il y a déjà un certain temps que les cris de joie des enfants ne résonnent plus dans le jardin.

Plus loin, cet autre escalier qu'on empruntait pour remonter vers la lumière car les arbres formaient au dessus de lui une voûte sombre a perdu tout son charme, toute sa poésie, tout comme l'ancien étroit chemin qui à sa droite serpentait au plus près de la rivière.Il ne reste rien du fouillis végétal un peu mystérieux où il faisait bon s'engager et se perdre, juste quelques minutes. Tout est dégagé, net, sécurisé.
"Nous n'irons plus au bois les lauriers sont coupés..."

La poésie, il faut désormais bien la chercher. Par exemple dans les herbes folles oubliées et le reflet fugace du soleil dans l'eau.

Arrivée au terme de cette promenade, le jardin d'enfants, autrefois protégé par une grille derrière laquelle poussaient profusion de plantes, est désormais entouré d'un assez bas grillage et de quelques petits buissons. Exposé à tous vents et à tous les regards.
En mai ou juin 2006, après avoir respiré l'odeur des tilleuls en fleur, j'avais ôté avec plaisir mes sandales pour glisser mes pieds nus dans l'eau fraîche du bassin... Temps lointain où les incertitudes d'alors se mêlaient d'espoirs... Que tout cela est loin...

La poésie ressurgira un peu plus loin, tout à la fin, du côté du parc de Procé, avec le ballet des mouettes rieuses dont certaines avaient encore leur capuchon noir de l'hiver et qui virevoltaient dans le ciel clair.

Plus tard je voudrai être une mouette pour jouer avec le vent.

dimanche 15 février 2009

..pause...

...tendresse, douceur, amour... après plusieurs billets durs, violents même. Mais notre monde ne l'est-il pas?

Alors des images telles que celles-là sont à garder en mémoire comme des moments merveilleux.

samedi 14 février 2009

Certaines histoires d'amour finissent mal ...

... très mal même puisque en France: "Une femme décède tous les trois jours sous les coups de son compagnon, et un homme décède tous les treize jours victime de sa compagne".
Alors cette campagne d'affichage effectuée à l'automne dernier n'en a que plus d'importance.

Sauf qu'il aurait été souhaitable d'éviter qu'elle ait lieu le 25 novembre, un jour où perdure encore en certains endroits cette tradition qui veut que les femmes (et pas les hommes!) qui ne vivent pas avec un compagnon se voient offrir un chapeau et appeler des "Catherinettes"

A moins qu'il ne s'agisse d'une forme très particulière d'humour dans la lignée du spot dans lequel étaient mentionnés les chiffres cités au début du billet.
Ce spot télévisuel commençait avec un travelling sur une plage au soleil couchant, en off la voix d'une femme qui racontait les coups au quotidien avant de conclure que depuis 15 jours c'était fini... et la caméra s'arrêtait sur l'image d'une tombe.

vendredi 13 février 2009

...Chupa chups...

...une douceur au goût de larmes

Pendant longtemps, elles ont été associées au plaisir des séances de cinéma partagées avec les enfants. Je gardais les places et ils allaient en acheter à ce qui s'appelait "le bar" mais ne l'était plus depuis bien longtemps, depuis en réalité que cette ancienne salle de spectacle avait été transformée en salle de cinéma "arts et essais".
Parfois ils revenaient déçus car leur parfum préféré manquait, mais au bout du compte le plaisir était toujours là entre les gourmands qui essayaient de les croquer (très difficile), les patients qui faisaient toujours durer le plaisir le plus longtemps et les joueurs qui aimaient les sculpter avec le bout de leur langue.
J'aimais les jours suivants entendre les papiers crisser au fond de mon sac avant d'en extraire les petits bâtonnets collants qu'ils m'avaient fait passer à tâtons dans l'obscurité de la salle tandis que fascinés ils regardaient l'écran.
Et puis les enfants ont grandi, leurs goûts notamment cinématographiques ont changé et nous sommes allés au cinéma chacun de notre côté.

A la fin du mois de mai dernier, je les aies retrouvées ces sucettes. L'unité de soins palliatifs avait en effet suggéré un dimanche que, pour la changer des mini sucettes hydratantes parfumées au citron qui étaient proposées aux patients en fin de vie, l'une de nous en ramène afin qu'elle puisse absorber sous une autre forme un peu de glucose sans trop se déshydrater.
La première "chupa chups" je l'ai sucée sans aucun plaisir, juste pour l'accompagner tandis que j'étais à ses côtés. Elle avait très vite délaissé la sienne car elle commençait déjà à avoir trop peu de salive pour pouvoir longtemps les garder longtemps en bouche.
Un soir de juin, juste avant que je ne reprenne la route, parce que même si pour elle il y avait de nombreux jours déjà qu'elle n'était plus en état d'absorber le moindre repas, elle a tenu à ce que j'en prenne une pour la manger sur le chemin du retour. Sur l'aire de repos où la nuit finissait de tomber en croquant le dernier morceau j'étais en larmes.

Depuis... Depuis j'évite de regarder les comptoirs des buralistes ou des boulangers où je sais qu'elles trônent car alors tout devient flou.
Elle aurait eu 87 ans aujourd'hui.

jeudi 12 février 2009

hunger (3)

Plus de 15 jours se sont écoulés depuis la séance de cinéma consacrée à ce film... et les impressions restent toujours aussi fortes.

Il y a d'abord l'impression d'ensemble issue des trois temps du film:
- une longue introduction relativement silencieuse consacrée à la vie d'un gardien et à "l'adaptation" d'un prisonnier dans ce centre carcéral si particulier, introduction relativement silencieuse où les explosions de violence telles que les séances de nettoyage forcées des prisonniers en grève de l'hygiène prennent un relief encore plus saisissant
- le face à face central entre Bobby Sands et le prêtre à qui il annonce sa volonté d'aller jusqu'au bout de la grève de la faim, ainsi que les 75 autres prisonniers, au rythme d'un tous les 15 jours, chaque mort étant aussitôt remplacé par un nouveau gréviste
- de nouveau quasiment silencieuse, la marche de 66 jours de B
obby Sands vers la mort. De la phase d"adaptation" des prisonniers, il faut être prêt à visualiser l'insoutenable qui est explicitement montré: les prisonniers qui vivent dans les excréments (dont ils badigeonnaient les murs), les vomissures, la vermine qui grouille. Les passages à tabac entre deux rangs de CRS... avec l'un d'eux, probablement un "bleu", qui réfugié derrière un mur pleure de terreur, de honte. S'y ajoutent des "pauses" plus poétiques: le prisonnier qui joue avec une mouche, le gardien qui fume dehors, muré dans son silence, avec un flocon de neige qui fond sur sa main ensanglantée après qu'il ait cogné les prisonniers. Mais la violence est toujours là, parfois même quand on s'y attend le moins. Ainsi lorsque ce gardien, toujours sur ses gardes, va en maison de retraite apporter des fleurs à sa mère gravement atteinte par la maladie d'Alzheimer. Elle n'aura aucune réaction quand un inconnu arrivé silencieusement derrière son fils posera le canon d'une arme sur sa nuque pour le tuer, tirera et repartira comme si de rien n'était. Du long dialogue entre Bobby Sands et le prêtre, j'ai surtout retenu, une fois le discours d'approche et d'apprivoisement des deux interlocuteurs de ce qui sera leur unique rencontre, l'inquiétude du prêtre non quant à la détermination de Bobby Sands mais quant au fait que celle-ci n'était pas en réalité un désir caché de se suicider.

Et puis il y a la déchéance physique progressive de Bobby. Là non plus rien ne nous est épargné de son calvaire: la sollicitude silencieuse d'un premier infirmier et la tout aussi silencieuse dureté de son successeur, les esquarres, l'extrême faiblesse qui rend petit à petit sourd et aveugle. Le traitement poétique de sa mort n'en est que plus impressionnant: Bobby qui faisait du cross country "rêve" qu'il court enfant à la nuit tombante dans un bois qui devient de plus en plus sombre et inquiétant. Il y a un premier envol de corbeaux qui le fait stopper sa course et se retourner en arrière... et qu'un immense envol de corbeaux envahisse l'écran.

A la fin du film une phrase précise que 9 autres personnes sont mortes après Bobby Sands sans que le statu de prisonnier politique ne soit obtenu...et que 17 gardiens travaillant dans cette prison ont été abattus par des membres de l'IRA.

mercredi 11 février 2009

Asaki (2)...

Ce n'est qu'après son départ que j'ai su quel était son objectif professionnel initial en venant en France... mais auquel il semble qu'elle ait désormais renoncé. Un souhait rare, car même dans notre pays, la quasi totalité des jeunes... et des moins jeunes, ignorent que ce mot renvoie à autre chose qu'à cet appendice plus ou moins voyant au milieu du visage: "être un nez" dans la parfumerie.
Alors pour elle, ce texte beaucoup moins beau que celui de Charles Baudelaire:
http://www.espace-poemes.com/poetes-francais/charles-baudelaire/le-parfum.html
mais plus personnel car écrit pour une jeune femme qui était elle aussi très sensible aux odeurs, aux parfums au point de garder de sa petite enfance plus de souvenirs olfactifs que visuels.

Le parfum et le rêve

Pour E.K.

Quelques gouttes de parfum pour oublier

La journée si longue

Portée par la cohue

Prisonnière des embouteillages

Ecrasée sous le poids des visages accablés

On n'aperçoit plus l'oiseau perdu dans le dédale de béton

Des perles d'or glissent du flacon

Au rythme des senteurs

Le cœur cesse de tambouriner aux tempes

Lentement la respiration s'espace

La nuque s'assouplit

Habillée de ce voile magique

Le corps retrouve sa dimension parfaite

Quand l'atmosphère crée par les herbes fraîches

Le jasmin ou la bergamote

Se fait moins envoûtante

Là où la peau est douce

Tiède et secrète

Il reste pour les initiés

La signature d'une personnalité

L'essence d'une présence

Février, juillet 1981