samedi 31 mai 2008

Destins d'Hommes (1) Alain-Fournier, l'homme d'un seul livre

Qu'ai je connu en premier? La photo du beau jeune homme de 29 ans telle qu'elle figurait dans l'incontournable « Lagarde et Michard » de l'époque consacré aux auteurs du XXème siècle Ou Le texte lui même tel qu'édité dans cette vieille édition du livre de poche? Je ne l'ai pas retrouvée cet ouvrage chez mes parents alors je l'ai racheté, relooké, marketing oblige, avec la photo du remake du film d'Albicoco que j'avais vu il y a si longtemps Mais voir le remake, au cinéma pas question. Pas question d'accepter une version avec un grand Meaules chevelu si éloigné du crâne rasé du héros décrit par Alain-Fournier. Pas question d'oublier non plus la blondeur, la douceur de Brigitte Fossais/Yvonne de Galais Mais je l'ai racheté ce livre car il me restait en tête sa toute dernière phrase: « ... Et déjà je l'imaginais, la nuit, enveloppant sa fille dans un manteau, et partant avec elle pour de nouvelles aventures » Et puis et surtout il y avait ce passage, si triste, que j'avais lu en conclusion d'un exposé, le tout premier que je faisais, à mes camarades de classe alors âgées d'une douzaines d'années. «... je m'avance, je prends le seul parti possible, passant un bras sous le dos de la morte étendue, l'autre sous ses jambes, je la charge contre ma poitrine. Assise sur mon bras gauche, les épaules appuyées contre mon bras droit, sa tête retombante retournée sous mon menton, elle pèse terriblement sur mon coeur. Je descends, marche par marche, le long escalier raide, tandis qu'en bas on apprête tout. J'ai bientôt les bras cassés de fatigue. A chaque marche avec ce poids sur la poitrine, je suis un peu plus essoufflé.Agrippé au corps inerte et pesant, je baisse la tête sur la tête de celle que j'emporte, je respire fortement et ses cheveux blonds aspirés m'entrent dans la bouche - des cheveux morts qui ont un goût de terre. Ce goût de terre et de mort, c'est tout ce qui reste pour moi de la grande aventure , et de vous, Yvonne de Galais, jeune femme tant cherchée – tant aimée... » J'ignorais alors que ce livre resterait le seul et unique ouvrage que cet auteur écrirait, fauché comme tant d'autres qu'il serait dans ce qu'on appelerait ensuite « la grande guerre ». D'autres de sa génération échapperont eux aux balles et aux obus pour tomber, ironie du sort, sous les coups de la grande faucheuse de la grippe espagnole, comme l'un deux mort deux jours avant l'Armistice.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je vois que le même passage nous a marqués...

Le livre doit traîner également dans ma bibliothèque et je ne l'ai pas rouvert depuis que je l'ai lu la première fois.
Trop peur que la magie de l'intrigue ne fasse plus son effet, maintenant que je la connais.

arlette a dit…

Peur aussi de relire ce livre mais je vais le faire . Il est à la campagne avec tous ceux qui sont un peu délaissés et que l'on garde malgré tout
A bientôt AA

@nn@ L. a dit…

Pour être franche, il est quelque part dans ma bibliothèque mais j'ai peur moi aussi de le relire et de ne pas y retrouver les émotions magiques de mon adolescence.
En fait je me suis juste contentée de le feuilleter très vite pour retrouver ce passage qui m'avait tant émue

Du coup ça me fait penser à ce film de Preminguer: "Laura" avec Gene Tierney dont je parlerai peut-être un jour