mercredi 21 mai 2008

"Je suis un petit taureau..."

Avec Marylin et son: « ...Avais-tu donc le cœur si las, que tu préfères l'au-delà, à l'eau si bleue de ta piscine, Ô Marilyn, Marilyn... » Claude Nougaro rendait hommage à une femme mais reconnaissait une fois de plus son amour du cinéma que l'on retouve aussi dans la chanson justement intitulée le cinéma « Sur l'écran noir de mes nuits blanches, où je me fais du cinéma,Une fois, deux fois, dix fois, vingt fois je recommence la séquence où tu me tombes dans les bras... » ou à bout de souffle chanté comme tel « ...Une radio s'est mise à déverser un air de piano à tout casserJe connaissais ce truc c'était le Blue Rondo à la Turk Dave Brubeck jouait comme un fou, aussi vite que moi mettant les bouts... » qui ne peut que faire penser à des films tels que celui du même nom avec Jean-Paul Belmondo, ou « le deuxième souffle » ou encore « le Doulos » avec ces ambiances jazzy typiques des films noirs français des années 60. Le jazz a tant inspiré Nougaro. De manière évidente avec une chanson telle que « autour de minuit » qui renvoie à Thelonious Monk mais aussi le jazz et la java « ...Pour moi jazz et java c'est du pareil au mêmeJ'me saoule à la Bastille, et m'noircis à HarlemPour moi jazz et java, dans le fond c'est tout commeLe jazz dit " Go men ", la java dit " Go hommes "... » ou cet hommage plein d'humour à Louis Amstrong « ...Armstrong, un jour, tôt ou tard, on n'est que des os Est-ce que les tiens seront noirs? Ce serait rigolo Allez, Louis, alléluia, au-delà de nos oripeaux Noir et blanc sont ressemblants comme deux gouttes d'eau... » ou encore les ambiances nocturnes, mélancoliques et jazzy à la fois de la pluie « ...La pluie fait des claquettes sur le trottoir а minuit Parfois je m'y arrête, je l'admire, j'applaudis Je suis son chapeau claque, son queue-de-pie vertical Son sourire de nacre, sa pointure de cristal... »
Mais Nougaro, comme une éponge savait capter l'air du temps avec sa période que je qualifierai d'africaine et où l'on trouve le si énergique amour sorcier « ...Gai gai gai, je suis l'amour sorcier Gai gai gai, ma tête est oiseau Gai gai gai, je suis l'amour sorcier Gai gai gai, mon corps est taureau... » Mais aussi cette locomotive d'or dont la puissance des images, le souffle et la force avaient ébloui mes enfants alors petits. « ...Locomotive d'or, Aussi riche en pistons, aussi chargée d'essieux que de siècles un sépulcre, Locomotive d'or, Croqueuse d'un charbon plus fruité, plus juteux que l'est la canne à sucre, Locomotive d'or, Tchi ki kou tchi ki kou ...»
La force de Nougaro éclatait aussi dans ses chansons telles que Paris mai dont le cri d'attaque « ...Mai, mai, mai, Paris mai, mai, mai, mai, Paris... » venant du fond des tripes me scotche encore, tout comme le texte rageur « ...Le casque des pavés ne bouge plus d'un cil La Seine de nouveau ruisselle d'eau bénite Le vent a dispersé les cendres de Bendit Et chacun est rentré chez son automobile ... » Mais aussi Nougayork avec laquelle, après une période de passage à vide, il était revenu vers la scène. « ...Dès l'aérogare j'ai senti le choc. Un souffle barbare, un remous hard-rock. Dès l'aérogare, j'ai changé d'époque. Come on! Ça démarre sur les starting-blocks... »
Nougaro la force mais aussi la faiblesse au travers des femmes. Ce penchant fatal dont il se moquait gentiment dans les dons juan « ...Le seul problème qu'on se pose c'est d'séparer en deux portions Cinquante-cinq kilos de chair rose, de cinquante-cinq grammes de nylon C'est pas toujours un jeu d'enfant, pour un donjuju, pour un don Juan... » Tout en, une fois devenu père, s'inquiétant tendrement pour sa fille Cécile encore bébé « ...Et je sais que bientôt toi aussi tu auras, Des idées et puis des idylles Des mots doux sur tes hauts et des mains sur tes bas Cécile, ma fille Moi, je t'attendrai toute la nuit T'entendrai rentrer sans bruit Mais au matin c'est moi qui rougirai devant tes yeux plus clairs que jamais... » Ce qui ne l'empêchait nullement dans le même temps de s'angoisser sur la difficulté de continuer à vivre en couple dans une petite fille en pleurs « Mais qu'est-c'que j'lui ai fait ? Mais qu'est-c' qui lui a pris ? Mais qu'est-c' qu'elle' me reproche? Lorsque je l'ai trompée, ell' l'a jamais appris C'est pas ell' qui s'approche? Tu m'aim's vraiment dis-moi tu m'aim's, tu m'aim's, tu m'aim's C'est tout ce qu'ell' sait dire en bouffant, en m'rasant, quand je voudrais dormir faut lui dir' que je l'aime ... » La femme tant cherchée il a fini par la trouver, son refuge, son île Hélène « ...Il pense à son île à son île Hélène Est-ce que l'île l'aime? Pense t elle à son il?... »
Hélène, si éloignée physiquement des autres femmes dont il a partagé la vie. Celle sur l'épaule de laquelle, fatigué, il laissera reposer sa tête où repousse un duvet bien éloigné de la tignasse de sa jeunesse. C'est dans ce documentaire si émouvant tourné à la fin de sa vie où rongé par un cancer, il n'est plus que l'ombre physique d'un petit taureau.
Et lorsqu'il mourra peu de temps après, c'est sa chanson fétiche, LA chanson à laquelle son nom restera à jamais associée
qui sera diffusée sur la place du Capitole à Toulouse

2 commentaires:

Anonyme a dit…

bonjour
merci pour cet homage
au poète et chanteur
de si grand talent

longue vie à ton blog

marc (le même que chez Ossiane)

@nn@ L. a dit…

Claude Nougaro: un petit taureau au physique mais un grand bonhomme pour le reste

Un grand bonhomme dont le dernier reportage qui lui avait été consacré m'avait bouleversée avec lui épuisé posant la tête sur l'épaule de Hélène ou encore ce colosse de pianiste/arrangeur apprenant en direct qu'il ne viendrait pas ni même plus jamais finir le disque et qui fuyait la caméra pour s'isoler...