mardi 5 juin 2012

"Une femme à Berlin" (1)

Bien qu'acheté durant les premiers mois de 2008, ce n'est que maintenant que je viens de lire ce livre publié pour la première fois en français en 2006. Il faut dire qu'il s'agit d'une re-édition d'un ouvrage paru initialement dans les années 50 mais qu'alors très peu de personnes avaient envie de lire tant ce témoignage est fort.
Qu'y découvre t on? Deux mois de la vie d'une femme*, sans nouvelle de son ami qui est sur le front, entre les derniers jours du mois d'avril, lorsque les troupes soviétiques s'approchent de Berlin et ceux de juin, où les Alliés se préparent à se partager le territoire de Berlin.
C'est la vie au jour le jour. Une vie où pour tous prime la quête de nourriture et d'eau, avec en prime, pour les femmes, la hantise du "Schdg" comme l'écrit en "codé" la rédactrice. "Schdg" pour "Schändung", soit en français: "viol".
Oui, cette femme se fera violer, à plusieurs reprises, comme beaucoup de ses consoeurs**. Elle fera d'ailleurs très vite un choix: il vaut mieux offrir sa couche à un officier russe qui incite les sans grade à se tenir à distance et apporte de la nourriture que de subir les assauts de la soldatesque. Ce qui l'amène à s'interroger sur ce qu'elle est réellement, sur ce qui la différencie des prostituées. 
"Il serait faux d'affirmer que le major me viole. Je crois qu'il suffirait d'une seule remarque cinglante de ma part pour qu'il parte et ne revienne plus. C'est donc de plein gré que je suis à son service. st-ce que je le fais par sympathie, par amour?(...) Est-ce que je le fais pour le le lard, le beurre, le sucre, les bougies, la viande en boite? Sans doute un peu, oui. ça me déplairait d'avoir à partager les provisions de la veuve***. Je suis heureuse de pouvoir lui offrir quelques chose à mon tou grâce aux dons du major. Je suis plus libre ainsi, je mange avec meilleure conscience. D'un autre côté, j'aime bien le major, je l'apprécie d'autant plus comme être humain que l'homme en lui exige peu de moi. Et il n'exigera jamais grand-chose de moi, je le sens. (...) Peut-être recherche t il une présence féminine et humaine plus qu'une simple relation sexuelle. Et je la lui offre de bon coeur, oui, volontiers. Parce que, de toutes les brutes épaisses rencontrées ces derniers jours il est de loin le plus supportable en tant qu'homme et en tant qu'être humain. Et puis je sais le manoeuvrer. (...) Avec le major (...) il y a moyen de parler. Or, tout ça ne répond pas encore à la question de savoir s je mérite le nom de putain ou non, puisque je vis pour ainsi dire de mon corps et que je l'offre en échange de nourriture."

* On sait désormais que l'auteure de ce journal s'appelait Marta Hillers et avait 34 ans au moment des faits; issue de la bourgeoisie allemande elle exerçait le métier de journaliste.
** On estime qu'au moins 100 000 femmes  furent violées à Berlin durant les deux mois ci-dessus mentionnés.
*** "la veuve" est le terme utilisé par l'auteure pour parler de la veuve d'un pharmacien qui a accepté de l'héberger, elle la journaliste célibataire sans emploi qui a du fuir tout d'abord son propre logement détruit par une bombe, puis les pièces mansardées prêtées par un ami appelé au front

2 commentaires:

verveine a dit…

Ce que tu écris sur ce livre me fait penser très fortement à un roman, La femme de midi, qui raconte la vie de deux soeurs des années 20 à la seconde guerre mondiale en Allemagne. La fin de la guerre à Berlin y est décrite de la même façon... J'en ai écrit un billet sur mon blog.

@nn@ L. a dit…

ça me dit effectivement quelque chose. Je vais rechercher ce billet.
Actuellement j'ai en cours Eragon et "les chaussures italiennes" de Mankell que m'avait conseillé une internaute qui avait aimé "la lionne blanche". Et j'ai aussi en stock "la couleur des sentiments" dont tu avais parlé au moment de sa sortie. Bien avant le film donc