mercredi 6 juin 2012

Une femme à Berlin (2)

Parmi les différentes choses écrites par Marta Hillers, il convient de relater qu'à plusieurs reprises elle revient sur l'impact que les viols ont pu avoir sur les relations entre hommes et femmes.
Il convient au préalable de rappeler qu'au moment des faits, la société allemande était fortement marquée par une répartition très typée des rôles. Dans un foyer, en temps de paix, l'homme était bien souvent le seul à travailler, la vie de la femme s'organisant autour de la triologie des 3 K (Kinder/Küche/Kirche: enfant/cuisine/église). Et en temps de guerre, même absent, il n'en demeurait pas moins que l'homme ne pouvait qu'être  considéré comme le sexe fort qui protégeait la femme et les enfants.Mais il y a eu la fin de la guerre et les viols... 
Marta Hillers précise que si l'homme était présent au moment du viol de sa femme, comme bien souvent il n'avait pu rien faire pour la protéger, il lui était difficile de se considérer ensuite comme le protecteur de celle-ci. De plus, dans un certain nombre de cas, les femmes s'étaient fait violer en allant accomplir des tâches difficile telles que le ravitaillement en eau que les hommes n'osaient pas effectuer de crainte de se faire prendre à partie en sortant des caves où ils se terraient. 

Et lorsque l'homme était absent, sur le front, la plupart des femmes ont d'abord songé à sauver leur peau et préféré taire ce qui leur était arrivé, en espérant que personne ne prévienne le mari. Et quand certaines ont osé le faire, comme Marta Hillers avec Gerd, celui qu'elle considérait comme son compagnon, ceux-ci ont bien souvent nié les faits. Pire même, devant accepter l'évidence, ils n'ont pas accepté la liberté de parole prise par les femmes qui se sont beaucoup soutenues les unes les autres. L'auteure rapporte la question rituelle entre les femmes qui se retrouvaient après avoir été séparées: "Combien de fois?"... auquel succédait bien souvent: "Comment est ce arrivé?". Ce qui fera dire à Gerd: "Vous êtes devenues aussi impudiques que des chiennes (...)" Avant d'afficher un air de dégoût pour ajouter "C'est épouvantable d'avoir à vous fréquenter. Vous avez perdu tout sens des normes et des convenances"
Quand Gerd partira, Marta écrira et ce sont avec ces ligne que le journal s'achève: "Parfois je m'étonne moi-même que la brouille avec Gerd ne me fasse pas plus souffrir que ça. Lui qui auparavant signifiait tout pour moi! Il se peut que la faim estompe les sentiments. J'ai tant à faire (...) je n'ai plus de temps à consacrer à ma vie intérieure.
Dieu sait ce qu'on va devoir encore manger. Je n'ai pas encore atteint le point limite auquel ma vie serait menacée, j'ignore quelle distance m'en sépare encore. Je sais seulement que je veux survivre - à l'encontre de toute raison, absurdement, comme une bête.
Je me demande si Gerd pense encore à moi.
Peut-être nous retrouverons un jour."

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