jeudi 3 janvier 2013

"Les proies dans le harem de Kadhafi" de Annick Cojean

Un livre "dur" acheté sur un coup de tête alors même qu'à aucun moment je n'avais entendu parler de l'article que Annick Cojean avait fait paraître et que la photo avec une jeune femme voilée qui regarde au loin, par delà la mer grise aurait plutôt fait penser aux hommes et femmes qui essayent, avec des embarcations de fortune, de gagner l'Europe. ça c'était avant de lire la quatrième de couverture qui annonce clairement le thème, tout comme le sous-titre de la couverture: "dans le harem de Kadhafi".
Le livre comporte deux parties: 
- le récit* de Soraya dont le destin a basculé un jour d'avril 2004 (elle venait d'avoir 15 ans) lorsque Kadhafi qui visitait son école a posé sa main sur sa tête pour lui caresser les cheveux. Un geste qui signifiait pour ceux et celles qui l'accompagnait: "Celle-là, je la veux!" 
- l'enquête qu'a ensuite effectuée Annick Cojean. Avec le témoignage de Soraya, on croyait être allés au bout de l'horreur, il n'en sera rien avec ce que l'on y apprend au sujet des agissements d'un homme qui n'avait rien à envier aux pires pervers sexuels.
C'est cette partie là qui est la plus effrayante car après le témoignage de celles qui ont été à un moment ou à un autre, et pour des durées variables, les compagnes d'infortune de Soraya, il y a celui de ceux et de celles qui ont "aidé" Kadhafi, directement en servant de rabatteurs ou indirectement en se faisant aveugles - quitte à mettre à l'abri les femmes et les filles de leur famille** - par rapport à certaines pratiques.

Kadhafi était un homme à fuir, et pas seulement au plan politique! Un de ses anciens collaborateurs en parle ainsi à Annick Cojean: "Maoumar Kadhafi (...) pouvait être décrit comme un obsédé sexuel - "il ne pensait qu'à ça" - et cette addiction "maladive" l'amenait à tout analyser à travers le prisme du sexe. Il gouvernait, humiliait, asservissait et sanctionnait par le sexe." Lui mort, le sort des femmes va-t-il s'améliorer? Il est que craindre que non car même les femmes qui se sont beaucoup investies dans la révolution finissent par écrire sur Facebook des status qui en disent long sur leur situation réelle: "C'est vendredi et le temps est fabuleux. Mais étant une femme, en Libye, je me retrouve cloîtrée à la maison et déprimée car je n'ai pas le droit d'aller à la plage. pourquoi n'y a t-il pas de plages pour les femmes? N'avons-nous pas assez de côtes? Combien êtes-vous, les filles, à ressentir la même chose?"  

* J'avais d'abord écrit "témoignage" mais ce mot renvoie à une procédure pénale qui n'aura jamais lieu puisque Kadhafi est mort mais aussi parce que, si tel n'avait pas été le cas, bien rares auraient été les femmes qui auraient osé témoigner de peur d'être ensuite victime d'un crime d'honneur de la part d'un des hommes de leur propre famille.
** Je pense notamment à Mansour Daw, l'ancien chef de la sécurité de Kadhafi qui n'a jamais laissé sa femme monter dans une voiture autre que celle que lui-même ou l'un de ses fils conduisait et qui s'était bien gardé d'inviter Kadhafi au mariage de son fils, allant même jusqu'à interdire les téléphones portables de crainte qu'une photo de l'une des femmes présentes à la cérémonie arrive sous les yeux de Kadhafi

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