mercredi 13 février 2013

La femme dans l'ombre...

... aurait eu 91 ans si le "crabe" qu'elle craignait tant n'avait élu domicile chez elle en ce printemps 2008 avant d'avoir le dessus en une poignée de semaines après avoir été découvert.
Quelle image garder d'elle? Parmi celles qui viennent à l'esprit, pas les plus récentes mais peut-être cette photo, même si je ne garde aucun souvenir du temps où elle se teignait les cheveux en brun sombre, une couleur qui, au dire de la fratrie,  faisait d'autant mieux ressortir ses yeux verts clairs. 
Et quels souvenirs garder d'elle?
Les petits enfants et les arrières petits enfants garderont surtout celui de la mamie tricoteuse, celle qui aimait les ouvrages compliqués, sinon elle s'ennuyait.
En fait, elle ne connaissait qu'un seul mot, le travail! Un mot qu'elle déclinait sous de multiples formes: 
- le tricot donc... il a fallu que je m'installe au loin pour acheter mon premier pull
- la couture... elle confectionnait tous nos vêtements mais elle travaillait aussi sans problème les tissus d'ameublement (doubles rideaux, dessus de lit etc...)
- le jardinage, mais pas les fleurs non, c'est joli mais ça ne dure qu'un temps contrairement aux conserves, surgelés, confiture et compote
- le ménage, chez elle et chez les autres.
Elle ne s'arrêtait jamais. Les loisirs, les vacances? Des mots inconnus dans son vocabulaire. Idem, les sorties culturelle et le lèche-vitrine. Pour cela il aurait fallu qu'elle ose penser à elle. Mais elle ne pensait jamais à elle. Le mari, les enfants, les petits-enfants, les arrières-petits enfants d'abord!
Et tout bien réfléchi, pendant toutes ces années, qui a pensé à elle? Alors elle est restée la femme dans l'ombre, celle dont l'armoire n'a jamais comporté de vêtement de valeur, celle dont, mis à part un bâton de rouge à lèvres qui fût pendant des années le même et de l'Ô de Lancôme, l'armoire de toilette ne comportait aucun produit de beauté. Celle qui, mis à part son alliance et un collier de perles, n'a jamais eu de bijoux. Et surtout celle dont nous n'avons jamais vraiment cherché à savoir ce qu'elle aimait vraiment* et ce qu'elle aurait aimé faire au delà de ce regret: ne pas avoir raconté, écrit ce qu'elle avait vécu, elle la petite fille retirée de l'école une fois son certificat d'études en poche pour être placée comme "bonne à tout faire". 
* Une exception peut-être, les chants d'oiseaux, dont l'une de mes soeurs lui avait offert un CD. La seule musique qui, à la fin de sa vie, pouvait lui faire pendant un temps oublier la douleur.  

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