lundi 27 avril 2015

L'exposition "La Toilette, naissance de l'intime" au Musée Marmottan-Monet

Une belle exposition...un peu courte dans la durée comme c'est bien souvent le cas (vu la surface disponible eu égard aux collections permanents) lors des expositions temporaires organisées au Musée Marmottan-Monet *. Une exposition courte dans la durée mais dont les oeuvres présentées sont particulièrement bien choisies pour illustrer les différentes étapes de l'apparition, puis de l'évolution de la notion d'intime via les gestes consacrés à la toilette.


L'histoire de l'intime, commence en fait à la fin du Moyen-Âge, lorsque les soins d'hygiène, sous la pression de l'Eglise qui se méfie des corps, quittent les "étuves" où hommes et femmes se côtoient pour ré-intégrer les maisons. Les femmes se baignent, mais ne se frottent pas la peau, et d'une certaines manière, en public, puisque serviteurs et servantes vont et viennent autour de la personne qui se "lave".
Mais entre la pression de l'Eglise (voir ci-dessus) et la méfiance envers l'eau accusée de transmettre les maladies, les soins relatifs à la toilette vont évoluer avec notamment l'apparition de la "toilette sèche" quand on n'utilise plus d'eau -sauf pour les mains- mais on se passe un linge propre sur le visage et on se maquille, on se pare de bijoux. Et c'est tout! Enfin, non, quand on en a les moyens financiers, on change e temps en temps de linge de corps!  Et le tout s'accomplit dans un coin de la chambre, éventuellement en présence de tiers du sexe opposé. Autant dire que les riches usent et abusent des parfums typés et que chez les pauvres, puces et poux prolifèrent  (voir "la Madeleine à la puce " de Georges La Tour.

Etape suivante au 18ème siècle où la chambre (voire le boudoir) devient elle même un lieu plus intime où la toilette est un peu plus poussée (visage, mains, pieds et...) grâce notamment aux  "bourdalous"** et aux premiers bidets. Du coup cette nouvelle notion d'intime donne lieu à des tableaux et autres gravures érotiques dont Boucher est le peintre le plus connu. C'est lui qui a réalisé les deux tableaux ci-dessus et qui étaient en fait 4 puisque, cachés sous la version publique, il existait deux autres tableaux où les Dames se livraient, dans une posture quasi similaire à d'autres activités plus "terre-à-terre"
Nouvelle évolution à la fin du 19ème et au début de 20ème.  On se lave tout le corps en utilisant d'abord un tub, puis une baignoire, d'abord dans sa chambre puis dans une pièce spécifique fermée: la salle de bain.
Grâce soit rendue à Toulouse-Lautrec et Degas qui, ont immortalisé cette évolution ainsi que "le corps sans fard", comme le titre l'exposition, en allant travailler dans les maisons-closes où ils ont saisi les gestes de ces dames pour qui l'hygiène était une nécessité primordiale. Plus tard, les modèles accepteront de poser lors de ces moments intimes, très intimes, puisque en principe on est seule(e) quand on s'y livre. D'où ces nombreux tableaux de Bonnard qui, à de très nombreuses reprises, a immortalisé Marthe, cette modèle qui, sur le tard, deviendra sa femme. Et illustré ainsi une autre évolution de la toilette qui ne correspond plus uniquement à des soins de propreté mais devient un moments de bien-être où l'on peut éprouver du plaisir d'être seul à seul avec soi. Sans doute était-ce là la transition avec la fin de l'exposition qui était sous-titrée "Hédonisme et modernité"... et qui ne m'a pas du tout convaincue.
Il aurait fallu oser quitter délaisser les tableaux pour s'aventurer davantage vers la photo et pas seulement vers celles qui illustraient les publicités mais vers celles qui sont demandées de plus en plus souvent aux photographes et que ceux eux-ci intitulent "Dans votre intimité". Ils y photographient des femmes chez elles, notamment dans leur salle de bain. Et là, même si la séance photo a lieu en tête à tête, il n'en demeure pas moins que certaines photos se retrouvant, avec l'accord de ces femmes, sur le net, la toilette, ce moment intime, redevient quelque chose de public, posant de ce fait la question des limites de la notion de l'intime. 
* Voir par exemple celle autour du tableau "Impression soleil levant, l'histoire vraie du chef d'oeuvre de Claude Monet"
** Ces petits vases allongés s'appellent ainsi en référence à Louis Bourdaloue, un prédicateur qui faisait de si interminables sermons, que les femmes prenaient leurs précautions en faisant emmener à l'église un récipient de  forme allongée et étroite (en forme de poire) grâce auquel elles se soulageaient. La tarte à la Bourdaloue qui comporte des poires a souvent un drôle de petit goût pas vrai?

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