mardi 3 mars 2015

"Timbuktu" de Abderrahmane Sissako

Etrange destin que celui de ce petit film franco-mauritanien, le seul film "africain" présenté au festival de Cannes dont il est reparti avec deux récompenses: le Prix du jury œcuménique* et Prix François-Chalais**. Des mois plus tard, au moment de sa sortie officielle, le 10 décembre, l'actualité a rappelé aux européens à quel point, dans certaines régions du monde, les intégristes islamistes peuvent instaurer un régime de terreur. Et enfin, il a été compensé lors de la cérémonie des Césars dont il est reparti avec pas moins de 7 récompenses. 
Qu'en penser? 
Que le film est sombre, noir même, beaucoup plus que ne pourrait le laisser penser quelques scènes pleines d'humour, comme par exemple ce moment où les intégristes arpentent le village dans tous les sens afin de trouver celui qui fait de la musique (activité interdite) avant de ne rien faire pour l'arrêter car c'est un chant de louanges au dieu Mahomet. Donc il est sombre et même noir, car en contrepoint, quelques scènes plus tard, on verra cette même police islamique débarquer dans une chambre pour en arrêter les occupants; notamment une femme qui sera condamnée à 2 fois 40 coups de fouet, 40 pour avoir osé chanter et 40 pour avoir été présente dans une chambre avec un homme avec lequel elle n'est pas mariée. Une peine qu'elle subira en chantant. Du moins au départ. Car on ne voit pas la fin de la scène puisque le réalisateur a choisi se suivre les pas de l'un de ces policiers, très hypocrite quant à son approche de la pratique religieuse puisqu'il n'hésite pas à fumer, chercher à séduire une femme mariée et fréquente une adepte du vaudou.
Le film est beau, avec de superbes images, notamment au moment des scènes d'ouverture et de fin où l'on voit la police islamique poursuivre une gazelle, pas vraiment pour la tuer, mais la fatiguer. Sauf que juste avant on a vu la course affolée de la fille d'un couple d'éleveurs touaregs qui est mort ainsi que celle du motocycliste qui avait aidé le couple à se retrouver une dernière fois . Cette course folle de la gazelle, c'est d'une certaine manière celle des femmes devant subir la loi islamique qui leur impose de cacher leurs cheveux sous un voile, leurs pieds sous des chaussettes, leurs mains sous des gants et même de rester cachées chez elle pour si elle veulent éviter d'être mariées de force, contre l'avis de leur famille et de l'imam local parce qu'un des représentants locaux de la police islamique les a repérées.  
Au final, je suis ressortie assez mal à l'aise de la séance... à cause du regard trop "aimable" porté sur les représentants de la police islamique dont on pourrait oublier le côté dangereux, notamment vis-à-vis de ceux et celles qui ont essayé de leur résister et ont été, d'une manière ou d'une autre, broyés.
* Créé en 1974 par des catholiques et des protestants présents au festival de Cannes il récompense les films qui montrent des hommes et des femmes en prise avec la réalité de la vie, la souffrance et la joie afin de contribuer les chrétiens à enrichir leur foi et à tous les spectateurs de réfléchir sur leur condition.
**  créé en 1997 afin de récompenser un film relatif aux valeurs du journalisme.

Aucun commentaire: