« (...) Non ce n'était pas ses mains que ces mains là, immortalisées en bénissant ces appareils photos où tous les réglages se font automatiquement parce que, même même si on le voulait, on aurait bien de la peine à avoir une vision nette.Ces mains aux doigts d'une blancheur cireuse dont les ongles étaient bien nets, ce n'étaient pas les siennes.
Déjà cinq mois avant ce n'était déjà plus vraiment les siennes.
Ses vraies mains, étaient celles d'une travailleuse qui ignorait, même pour les plus durs travaux, toute protection. Et sauf lors de la dernière année où l'âge et surtout la maladie faisant, elles n'avaient jamais cesser de s'activer.
S'il restait les vaisselles, heureusement que c'en était fini des lessives dans de l'eau trop chaude. Dans le jardin où elle ne pouvait guère plus descendre, les mauvaises herbes poussaient désormais allègrement. Mais il y avait encore les petits pois à écosser, les haricots à équeuter, les cerises à dénoyauter, les groseilles à égrapper... pour les conserves, les confitures... pour eux deux, pour les enfants, les petits enfants, et les arrières petits enfants.Pour « ne pas manquer »: cette hantise de ceux qui ont connu la guerre et la faim, surtout quand on est une petite bonne à tout faire placée dès 13 ans chez les riches. Ceux de la « Haute » comme elle le murmurait.
Alors ces mains là étaient rouges, leurs ongles étaient cassés, salis. Et elles étaient crevassées, parfois jusqu'au sang. Et elles étaient rêches, bien éloignées de ce qu'on imagine des mains douces d'une maman. Cela la chagrinait lorsqu'elle s'attaquait aux travaux de couture et de tricot où aucun vêtement n'avait de secret pour elle. Et lorsqu'elle travaillait la laine, elle appréciait tout particulièrement les modèles compliqués « sinon je m'ennuie » disait-elle.
En fait il n'y a qu'une chose que ces mains là firent peu, à son grand regret. Et elle n'en parla que le tout dernier mois. Elle qui avait arrêté l'école juste après son certificat d'études aimait écrire. Alors ses enfants et ses petits-enfants, à défaut d'arrêter le temps, le firent pour elle en notant sur un petit carnet qu'elle gardait près d'elle, les petits faits de cette chambre d'hôpital. Jusqu'à ce matin là où ses mains se sont à jamais arrêtées. »
3 commentaires:
Ce texte me fait penser à cette vieille chanson de Gilbert Bécaud écrite par Pierre Delanoé :
Mes mains
Dessinent dans le soir
La forme d'un espoir
Qui ressemble à ton corps
Mes mains
Quand elles tremblent de fièvre
C'est de nos amours brèves
Qu'elles se souviennent encore
Mes mains
Caressent dans leurs doigts
Des riens venant de toi
Cherchant un peu de joie
Mes mains
Se tendent en prière
Vers ton ombre légère
Disparue dans la nuit
Mes mains
Elles t'aiment à la folie
D'un amour infini
Elles t'aiment pour la vie
As-tu déjà effacé ce passé qui m'obsède?
As-tu déjà oublié que ces mains ont tout donné?
Mes mains
Qui voudraient caresser
Un jour seront lassées
D'attendre ton retour
Mes mains
Elles iront te chercher
Là où tu t'es cachée
Avec un autre amour
Mes mains
Méprisant les prières
Trembleront de colère
Et je n'y pourrai rien
Mes mains
Pour toujours dans la nuit
Emporteront ta vie
Mais puisque tu le sais
Reviens
Et tout comme autrefois
Elles frémiront pour toi
Dans la joie retrouvée
Reviens
Ne les repousse pas
Ces mains tendues vers toi
Et donne-leur tes mains
Les mains d'une mère sont caractéristiques
Par le travail elles ne sont pas abimées mais sublimées
Car rocailleuse, nouées et sèches
Mais tendres,douces et caressantes
Elles expriment au delà du travail et de la souffrance
La générosité, la bonté et l'Amour
Jolie mais triste chanson que vous citez là Caphadock, même s'il s'applique avant tout à un amour homme/femme non partagé
Et bel hommage aux mains d'une mère aussi.
La mienne ne s'est que rarement montrée tendre et douce avec nous, mais pour se laisser vraiment aller, il aurait déjà fallu qu'un jour sa propre mère ait été tendre et douce avec elle. Et elle ne l'a jamais été.
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