Quand j'étais petite, à la maison on parlait parfois des "Adam" ou des "Manouches". D'eux je ne savais rien, sauf qu'ils vivaient un peu plus loin, dans les champs, dans une zone où j'avais très vite compris qu'il ne fallait pas que j'aille parce que c'était dangereux. Pourquoi? Je ne savais pas et tant que j'ai vécu chez mes parents je n'ai pas cherché à le savoir.
Et puis j'ai grandi, l'urbanisation croissante de ma ville natale a fait que dans les champs alentours les maisons et les immeubles ont remplacé les cultures et les "Adam" ont disparu de la mémoire jusqu'à ce qu'ils ré-apparaissent, au milieu des années 90, lorsqu'il a fallu que je traite des dossiers "Aide Médicale Etat". Cet aide sociale ancêtre de la CMU permettaient à ceux qui n'avaient pas de couverture sociale d'accéder aux soins. Parmi eux, les étrangers en situation irrégulière, les SDF et... les gens du voyage que j'ai appris à mieux connaître au delà des préjugés hérités de mon enfance.
J'ai alors su:
- que les "Adam" était un nom fréquent, tout comme celui de Schmitt, ou de Reinhar (avec un "d" ou un "t" final voire un "dt")
- qu'en général les familles avaient de nombreux enfants qui, lorsqu'elle était "pentecôtiste" portaient des prénoms bibliques
- qu'à côté des gens du voyage qui tenaient des stands sur les fêtes foraines, il y en avait beaucoup qui ne survivaient que grâce à ce qui s'appelait alors le RMI car la plupart des petits boulots (rempailleur de chaise, rémouleurs, récupérateurs de ferraille, de textiles usagés...) qu'ils exerçaient autrefois avaient disparu ou avaient été "récupéré" par d'autres
- que beaucoup étaient illettrés,ce qui ne facilitaient la mise à jour de leurs dossiers où l'une des pièces essentielles était le livret ou, pour la plupart d'entre eux, le carnet de circulation.
Livret de circulation? Carnet de circulation?
Toute personne âgée de plus de 16 ans dev(r)ait être en possession de l'un de ces documents (il existe 3 sortes de livret et un seul type de carnet). Un document qu'elle est censée faire viser tous les 3 mois à la mairie ou à la gendarmerie de son lieu de vie en vertu d'une obligation datant de... 1912 qui avait été instaurée afin de mieux les recenser. Un peu trop bien parfois car, durant la deuxième guerre mondiale, leur possession les a fait assimiler aux tziganes et de ce fait un certain nombre d'entre eux ont été dirigés sans autre formalité vers les camps de concentration.
Des documents devenus inutiles depuis que de plus en plus d'entre eux sont désormais peu ou prou sédentarisés et que les conditions d'attribution de la C.N.I. (carte nationale d'identité) ont été assouplies. Mais combien d'entre eux le savent?
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