vendredi 6 juin 2008

Remonter la Loire (5)

En réponse à quelques petits extraits de phrases glanés dans les commentaires: «...Bien tristounet ton chemin...», «... chemin de croix...», «... fleuve de l'oubli...» ... il m'apparaît nécessaire d'apporter un rectificatif. Ce voyage à rebours ne fût pas triste, ni destiné à oublier quoi que ce soit. Bien au contraire. Moi la sédentaire qui en 48 ans n'avait jamais voyagé du temps où je vivais chez mes parents ni choisi volontairement un lieu de destinatin lors des vacances familiales ultérieures mais toujours laissé faire à ma place, j'apprenais à partir, à quitter, à rompre mais aussi à marcher, à cheminer avec mes pieds et ma tête... En outre, à l'époque, parmi différentes lectures que j'avais en cours, il y avait «Longue marche» de Bernard Ollivier. Et si mes marches furent beaucoup plus brèves que la sienne, elles portaient l'empreinte de quelques phrases de ses livres consacrés à son long périple sur la route de la soie. "...Dans cette longue marche, ce long voyage solitaire, il y a de la vie qui va et de la mort qui vient..." J'ajoute volontiers: "... et les choix que l'on doit faire durant ce laps de temps en agissant et non en subissant..." Il y avait aussi cette phrase, même si, beaucoup plus paresseuse que lui, je n'ai jamais complètement atteint l'état qu'il décrit: «...plus rien ne m'atteint. Mon corps, mes pieds , contents, se font oublier. Seul mon esprit plane sur la plaine. Je rêve debout, en marchant..." Non, moi je marchais tout simplement en essayant de réfléchir, seule, et cette marche, même si elle ne m'a pas apporté sur le coup les réponses que j'en attendais, m'a permis de beaux moments tels que ceux qui suivent.

Marcher

On commence à marcher avec ses pieds Allée rectiligne ou chemin sinueux Plaine balayée par les vents ou chemin creux ombragé Route poudreuse sous le soleil ou sentier mouillé de pluie Je vous ai suivis
Sable ou gravier Goudron ou béton Herbe douce ou cailloux pointus Damier de tuffeau blanc et d'ardoise noire de Chenonceaux Mes pieds ont appris à vous reconnaître
Marcher les yeux à l’affût du vol d'une feuille de peuplier emportée par le vent du soleil qui cherche à percer le voile de brume du reflet des saules dorés dans l'eau calme du cormoran noir déployant ses ailes et du héron immobile
Marcher les oreilles aux aguets du bruissement des maïs trop mûrs du chuchotement des arbres dans les peupleraies du clapotis de l'ondée sur la mare du grondement de l'eau au sortir des écluses et de mes pas résonnants ou silencieux
Marcher avec la peau offerte aux gouttes de pluie au souffle tantôt frais tantôt tiède du vent à la chaleur du soleil
Marcher et apprendre à respirer Respirer à plein poumons ou au contraire humer les yeux fermés l'odeur de mousse et de champignons au détour d’un bois celles d'eau douce et de sable mêlées tout au bord de la Loire et à Chenonceaux dans un recoin des cuisines celle des pommes et coings dans un panier dans un couloir celle de cette gerbe de blé nouée
Marcher mais aussi savoir s'arrêter Caresser du bout des doigts le velouté des pétales des derniers coquelicots le lissé des fruits d'aubépine Frôler les piquants des marrons encore dans leur bogue Lécher la goutte d'eau qui perle sur la feuille de houx
Marcher ou être arrêté ne plus penser à rien ou plus exactement ne plus avoir qu'une pensée celle de ne faire qu'un avec ce monde paisible tout autour Oublier toute violence et sans plus de résistance se laisser envahir par une paix immense

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Anna, je vous remercie de votre visite et prenez votre temps , de même je prendrai celui de vous rendre visite, vous lire car vous écrivez bien; Cette région m'est familière et c'est toujours intéressant de saisir un autre regard .
Bon courage pour ces moments que je devine délicats . A bientôt
Hélène .

Anonyme a dit…

Un blog que je découvre via Jean .
Une belle découverte

Anonyme a dit…

Bonsoir Bruno,

Tout d'abord, merci de votre visite.
Chose étonnante, si vous êtes arrivé via Jean, je vous ai déjà "rencontré" dans les pages consacrées par Hélène de "la Voix des Choses" au Parc oriental du Maulévrier. Un parc dont je parlerai probablement un jour, même s'il n'est pas situé sur la Loire...