samedi 21 juin 2008

Destins d'Hommes (4) Les trois vies de Emile Zola

Si Arthur Rimbaud a vécu deux vies, l'une après l'autre, Emile Zola a, d'une certaine manière, vécu trois vies, de surcroît simultanément, en étant un écrivain prolifique, un journaliste engagé... et un homme partagé entre deux foyers. La première image que l'on retient de Emile Zola c'est idéniablement celle de l'écrivain: celui de la "saga" des Rougon-Marquart avec ses descriptions si précises...
...du monde de la mine avec "Germinal", du rail avec "la bête humaine", des ravages de l'alcoolisme via "l'assomoir" ou de l'émergeance des grands magasins face aux petits commerces dans "au bonheur des Dames". Ses livres m'ont passionnée au point d'en lire la quasi totalité au sortir des années lycée, à un moment donc où de telles lectures ne sont plus une obligation scolaire mais un plaisir.
L'un d'eux a plus particulièrement retenu mon attention, celui qui clôt la série: "le Docteur Pascal". C'est loin d'être le plus connu mais il est émouvante à plus d'un titre. D'abord Emile Zola y explicite, via le Docteur Pascal toute la démarche qui a été la sienne durant les 22 années consacrées à la rédaction des Rougon-Marquart. Et puis comment ne pas être ému par ce médecin qui a passé toute sa vie à collecter des données sur sa famille et lutte (finalement en vain) pour sauver celles-ci de la destruction. Et avec cet homme qui découvre tardivement l'amour, comment ne pas faire le lien avec la vie privée d'Emile Zola/Docteur Pascal et celle d'une jeune femme Jeanne Rozerot/Clotilde... mais je vais une fois de plus trop vite.

Emile Sola c'est aussi le journaliste engagé dont le « j'accuse » reste,plus d'un siècle plus tard et malgré un certain nombre d'erreurs dans son contenu, un document de référence. L'implication de Zola dans l'affaire Dreyfus ne fût d'ailleurs pas immédiate, ainsi que le montrait bien un téléfilm « Zola ou la conscience humaine » lequel s'inspirait du livre de Armand Lanoux « Bonjour Monsieur Zola ». Cet l'engagement tardif n'évitera pas à Emile Zola de nombreux ennuis: insultes en tous genres et surtout un procès à l'issue duquel il sera condamné à un an de prison. Il se laissera convaincre d'aller s'exiler pendant toute une année en Angleterre, alors que deux femmes et tout particulièrement l'une d'elle l'attendaient en France.

Telle est ce que je considère comme étant la troisième vie d'Emile Zola: une homme menant une double vie.

Emile Zola, marié depuis de nombreuses années avec Alexandrine, la cinquantaine venue, tombe amoureux de Jeanne, une jeune lingère employée de la famille. Mais Alexandrine ne veut pas divorcer et Emile ne conçoit pas d'abandonner Jeanne dont il aura deux enfants: Denise et Jacques.

Alors quel que soit le lieu où il résidera, il mettra en place toute une organisation pour se partager entre ses deux foyers. Ainsi lors de ses séjours à Médan où il vit avec Alexandrine, il louera une autre petite maison à proximité afin de rendre visite quotidiennement à Jeanne et ses deux enfants.

Il convient de noter que si Alexandrine avait mal accepté sa jeune rivale, une fois Emile Zola décédé, elle fera en sorte qu'une procédure soit engagée afin que les deux enfants, considérés comme des enfants adultérins, puissent porter le nom de leur père. Tant que durera cette double vie d'homme, en fait la troisième après celle de l'écrivain et du journaliste, Emile Zola s'adonnera à un art encore débutant à l'époque: la photographie. Et il la pratiquera pas en simple amateur ainsi que le décrit bien un passage de l'article de Wikipédia consacré à Emile Zola photographe http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89mile_Zola où l'on découvre notamment quelques unes des astuces qu'il utilisait pour obtenir des photos pleines de vie, notamment pour certains sujets de prédilection: « ...ses familles et ses enfants qu'il a sur-abondamment représenté en images. Dans ce cadre, il met lui-même au point un déclencheur à distance afin de se représenter avec ses enfants sur les clichés... » Des années plus tard, un autre photographe me touchera lui aussi beaucoup avec ses photos autour de la parentalité et de l'enfance: celui qu'un poète appelera « correspondant de la Paix »

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout artiste, au cours de son existence, vit plusieurs vies. Hugo, Picasso, ... tous sans exception. Un poème, un roman, un tableau, n'est-ce pas un supplément de vie?
Je crois que tout un chacun "suit" plusieurs chemins: la difficulté est de les reconnaître et de les admettre.

@nn@ L. a dit…

"Je crois que tout un chacun "suit" plusieurs chemins: la difficulté est de les reconnaître et de les admettre." écrivez-vous Pierre.

Chacun suit plusieurs chemins?
Non je pense que nous n'en suivons qu'un seul, choisi (?) souvent par conformisme social alors que parfois plusieurs s'offraient à nous.
Et puis un jour on ose, ou on n'ose pas, le quitter.
C'est ce que j'ai commencé à faire le 12 mai 2006 mais je ne l'ai su que plus tard.
"Commencé" car le plus difficile reste à faire: aller jusqu'au bout.