mardi 22 juillet 2008

Destins de Femmes (4) les héroïnes de Miyazaki

Le premier personnage connu de Hayo Miyazaki a, paradoxalement pour ce réalisateur de longs métrages dessinés très féministe, été un homme/cochon: Marco alias "Porco Rosso", auquel dans la version française Jean Reno a prêté sa voix si typique. Mais déjà les femmes sont présentes, très présentes à travers: Gina, la très belle patronne de l'hôtel Adriano, mariée successivement à trois pilotes, tous morts les uns après les autres en mission et qui espère que Marco la rejoindra un jour dans son jardin secret, Fio, la jeune dessinatrice passionnée d'aviation, qui, minuscule bout de femme, matera en beauté les vieux pirates de l'air en leur rappelant les idéaux des pilotes, notamment d'hydravion, et toutes les femmes, jeunes et vieilles, qui participent à la reconstruction de l'hydravion de Porco parce que les hommes sont partis chercher du travail ailleurs. Ces femmes travailleuses ne sont que les annonciatrices de ces anciennes prostituées mises au ban de la société et à qui Dame Eboshi, dans "Princesse Mononoké", redonne un statu en leur confiant la lourde mission de faire fonctionner les forges... ce qui n'est pas au goût de Princesse Mononoké.
Autre personnage féminin fort que San dite Princesse Mononoké, petite fille abandonnée par les hommes et qui a été élevée par une gigantesque louve blanche/déesse du monde animal dont le plus beau représentant est le dieu Cerf qui, doté du pouvoir de mort et de vie, règne sur le monde du jour et de la nuit. Mais que ces femmes ou grandes adolescentes ne fassent surtout pas oublier les autres héroïnes de Miyazaki. Il y a la jeune et timide Sophie qui, parce qu'un beau magicien un peu volage l'a séduite, subit la malédiction lancée par une sorcière jalouse et se retrouve avec un corps de vieille femme. ("Le château ambulant") Il y a aussi "Kiki, petite sorcière" adolescente qui part seule à la découverte du monde afin de découvrir quel est son don. Il y a encore Chihiro, petite fille au départ très boudeuse et immature. Ses parents ont violé un sanctuaire et à cause d'eux elle devra lutter pour se libérer, ainsi que ses parents, et Haku, jeune sorcier ambitieux, des sorts lancés par la toute puissante Yubaba qui maintient les gens sous son emprise en leur volant une partie de leur nom, et par la même de leur identité. ("le voyage de Chihiro")... Pas facile de résumer une oeuvre de Miyazaki tant elle est riche en symboles, pas toujours faciles à interpréter pour les occidentaux que nous sommes. Mais de ce foisonnement émergent quelques thèmes très forts: * la force des figures féminines auprès desquelles les hommes apparaissent bien faibles, * l'importance de la nature et de l'impact négatif des interventions humaines régies par la violence et la mort ("Nausicaa" et "Princesse Mononoké") * et, tout comme dans beaucoup de contes pour enfants, la nécessité de se dépasser via un difficile apprentissage. Tout cela on le trouve dès l'un de ses premiers films "mon voisin Totoro" qui met en scène deux petites filles confrontées à la maladie de leur mère. Elles trouveront une aide précieuse auprès d'une sorte de chat/ours/lapin, invisible des adultes et qui deviendra l'emblème des studios Gihbli Mais hélas, dans la vraie vie, les enfants et les adolescents ne rencontrent pas toujours quelqu'un qui les accompagne aussi bien pour grandir...

5 commentaires:

Anonyme a dit…

J'entends bien ce que suggère ce "goût des femmes" (sourire)
Ne sont-elles pas les premières à nous ouvrir les yeux et les dernières à nous clore les paupières ?

Anonyme a dit…

Bien enrichissant ce passage ici,sur ces articles ; Je découvre,apprécie, illustrations, présentation, auteurs.
Je trouve qu'il y a énormément de finesse dans les dessins de mangas, et une approche de la vie, qui sous des aspects éloignés de notre civilisation, est éternelle.
Merci pour cette lecture enrichissante.

@nn@ L. a dit…

Bonsoir lasidonie,

Il y a effectivement beaucoup de finesse dans les dessins de Taniguchi et Miyazaki (le traitement des grisés chez le 1er et des couleurs et de la nature chez le second sont fabuleux) mais aussi beaucoup d'humanisme et un immense respect de leurs personnages, même les "vieux", les "laids", voir par exemple les pirates de l'air, a priori sombres brutes au faciès peu engageant qui deviennent très fleurs bleues devant Fio ou Gina

Anonyme a dit…

Ah, voilà un sujet que je voulais traiter, je vois que c'est fait par ici ;o)
Ce qui d'abord m'interpelle c'est l'attribution du caractère "féministe" des films de Miyazaki. Bien que je ne réfute absolument pas que les femmes dépeintes dans ses films soient des exemples, elles ne luttent pas toujours contre un status de femme qui serait inférieur au statut d'homme, elles sont déjà fortes, égales voir supérieures en certains domaines, dont l'honneteté, la clairvoyance ou l'abnégation, aux hommes.
Les héroines de Miyazaki sont très souvent en effet de jeunes filles qui montrent des qualités de courage, de bonté, de détermination, parfois au travers d'un parcours initiatique. Elles ne sont pourtant pas exemptes de zones d'ombres, comme Dame Eboshi. Mais leurs aspirations sont différentes de celles des hommes, souvent effectivement dépeints comme plus bêtes, plus brutaux, plus destructeurs (même si finalement gentils, comme les pirates de Porco Rosso). En y pensant, on peut peut-être voir dans les personnages masculins la figure de la solitude, évidemment très présente avec Marco/Porco, ou même Haku (qui malgré tout est un peu en dehors du domaine puisque il n'est pas tout à fait homme), ou encore le père des adorables Sei et Satsuki de Mon Voisin Totoro.
Il n'y a probablement pas d'opposition nette entre les hommes et les femmes de Miyazaki, comme il n'y a pas de manichéisme (au contraire des productions Disney par exemple). Les personnages féminins peuvent être violents et vénaux (toujours Dame Eboshi par exemple) ou fourbes (les sorcières en général) mais en même temps emplis de bonté et de générosité à certains moment.
Les personnages de San, Chihiro, Fio, Nausicaa, etc... tous sont indépendants, débrouillards, intelligents et foncièrement bons. Ils représentent probablement pour Miyazaki l'incarnation de ce que l'Homme devrait être. En cela on peut surement parler de "féminisme". Mais alors, doit-on parler de tout le reste de la production cinématographique (ou en tout cas une grosse majorité) en des termes "masculinistes"? ;o)
Il est tout de même intéressant de noter qu'aux cotés de ces femmes et filles fortes et charismatiques, on trouve assez souvent un personnage masculin (parfois identifié comme le héros) qui est soit guidé, soit guide. On pourrait faire un billet sur les hommes de Miyazaki, non? Avec Haku, Porco, Ashitaka, Totoro(!), Hauru, Paz etc... ^_^

@nn@ L. a dit…

Je persiste et signe: Miyazaki est un auteur féministe: doublement même.
Tout d'abord dans les univers de la BD ou du dessin animé, où les héros sont majoritairement masculins (même si les choses ont évolué depuis mon adolescence :-)) il a opté assez souvent pour un personage principal de sexe féminin
En outre il ne faut pas perdre de vue que au Japon, la femme une fois mariée cesse souvent de travailler pour se consacrer dans un 1er temps à son "salary-man" quand ce dernier rentre de sa longue journée de labeur, puis à l'éducation de leur enfant.

Tout à fait d'accord avec vous quant à la fréquente complexité des personnages chez Miyazaki, quel que soit leur sexe... avec, sauf exception, un immense respect de Miyazaki pour eux.

J'aurai tendance chez lui à classer les personnages de sexe féminin du côté de la recherche d'un Savoir et ceux de sexe masculin du côté de la quête du Pouvoir. Mais ceci nécessiterait des explicitations... hors blog.

Quant à un billet sur les personnages masculins chez Miyazaki, je vous en laisse l'honneur. Vous connaisssez suffisament son univers pour être passionnant à lire