mercredi 16 juillet 2008

Le dernier poème

A la fin de "l'aventure de Mrs Muir" celle-ci partait rejoindre à jamais son capitaine, dans le monde des ombres... et l'histoire finissait sur une sorte de happy end mélancolique.
D'autres histoires finissent de manière beaucoup plus sombre. Ainsi celle qui lia Robert Desnos
et
Youki
(laquelle avant de partager la vie du poète avait été le modèle et la femme du peintre Foujita)
Le 22 février 1945, Robert Desnos, qui avait choisi de s'engager dans la résistance, prévenu que la Gestapo allait venir l'arrêter fit le choix de ne pas s'enfuir afin d'éviter que Youki ne soit arrêtée et torturée.
Déporté, il meurt, le 8 juin 1945, un mois donc après la capitulation de l'armée allemande, victime du typhus dans un des camps de concentration installés en Tchécoslovaquie. Il laisse derrière lui, conservé par deux jeunes tchèques venus aider après la libération des camp, ce que l'on appellera:

Le dernier poème
J’ai rêvé tellement fort de toi,
J’ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu’il ne me reste plus rien de toi. Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres D’être cent fois plus ombre que l’ombre D’être l’ombre qui viendra et reviendra
Dans ta vie ensoleillée
Ce texte, je l'avais découvert adolescente, au sein d'une anthologie de la poésie française, sans pouvoir ensuite le retrouver. Ce n'est qu'à l'âge adulte que j'ai compris à quel point il était encore plus bouleversant que dans mes souvenirs car non seulement c'est un sublime et ultime message d'amour, mais aussi parce que le poète se compare à une ombre.
Une ombre... Terme prémonitoire que l'on utilisera ensuite pour parler de ceux qui sont revenus, et ceux, encore plus nombreux, qui ont disparu, dans "nuit et brouillard"
Mais l'histoire de ce poème ne s'arrête pas.
Pendant longtemps j'avais cru que ce poème était effectivement l'ultime poème dicté par Robert Desnos et dédié à sa dernière compagne. Comme beaucoup, et Youki en premier lieu, je n'avais cependant pas été sans remarquer qu'il présentait de fortes similitudes avec un autre poème de Desnos, intitulé "j'ai tant rêvé de toi" http://www.frmusique.ru/texts/d/desnos_robert/jaitantrevedetoi.htm dédié en 1926 "à la mystérieuse", (en réalité la chanteuse Yvonne Georges) et qui figurait dans le recueil "corps et biens" paru en 1930, donc avant qu'il ne partage la vie de Youki.
A-t-il effectivement dicté ce poème ou recopié un extrait du dernier paragraphe de cet ancien poème lequel sera traduit de français en tchèque avant d''être retraduit en français, ce qui modifiera un peu le texte original?
Qu'importe après tout, l'essentiel est dit de ce lien qui relie bien au delà de la mort.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci @nn@ pour vos mots déposés dans la nuit...
Belle note sur Desnos (Robert le diable) poète que j'affectionne tout particulièrement... vos mots m'en rappellent d'autres tout aussi forts en amour : "laisse-moi devenir / l'ombre de ton ombre / l'ombre de ta main / l'ombre de ton chien..."

Magnifique merci et belle nuit

@nn@ L. a dit…

Bonjour Maria,
Je préfère cependant la version de Robert Desnos à celle de Jacques Brel car l'ombre du poète garde sa propre personnalité et accompagnera à jamais l'autre alors que celle du chanteur abdique complètement.
Même si parfois tel est le cas, je ne suis pas certaine qu'il soit souhaitable que de telles relations s'instaurent entre deux personnes (revoir ma conclusion autour du couple Gorz)
Bonne journée à vous

Anonyme a dit…

Après avoir lu le commentaire "d'@nn@" je n'ai pas déposé le mien (je lis d'ordinaire peu avant d'écrire). J'en partage l'essentiel.