vendredi 15 août 2008

de merveilleux raconteurs (2)

Certains « raconteurs », c'est avec leur propre vie qu'ils nous passionnent. Ce n'est pas forcément une vie extraordinaire, mais ils ont l'art de vous intéresser à ce quotidien qui a été le leur, ce qu'il a à la fois d'intemporel et de spécifique, tout en amenant à vous interroger sur ... d'une certaine manière le sens de la vie. Les plus doués sont en plus dotés d'un humour qui se double, à moins que ce ne soit l'inverse, d'un immense respect pour la majeure partie des gens qu'ils ont croisés, ce qui rend leur témoignage encore plus passionnant.
Le premier de ces hommes s'appelait Bernard Alexandre.
Qui aurait cru que le récit de celui qui n'était qu'un curé de campagne, plus connu sous le nom de « Père Alexandre » passionnerait même des agnostiques que la vie en pays cauchois (la région du pays de Caux en Normandie) laissait jusque là indifférents? Mais c'est un fait, son livre « le Horsain » paru en 1988 dans une collection «Terre humaine» (avant d'être re-édité en pocket) en a passionné plus d'un.
Et c'est quoi sa vie? Celle d'un homme né le 26 Juin 1918 au Havre où il va passer son enfance. Poursuite des études au petit séminaire de Rouen avant d'être, parce qu'il est atteint de tuberculose, soigné dans un sanatorium du clergé dans les Alpes-Martimes et d'être ordonné prêtre en plein pays de Caux. Face à ses paroissiens qui ne lui demandaient guère que d'être un bon sacristain, il fût beaucoup plus. A titre professionnel, il a été le témoin de la vie sociale en Haute-Normandie mais aussi de l'Eglise traditionnelle qui se meurt, une Eglise qu'il défend peu, lui préférant nettement une autre Eglise ouverte sur le monde. S'ouvrir au Monde et aider les autres à le faire. Il le fera à titre privé via le cinéma: il va ainsi créer un centre de recherche filmologique, des circuits de cinémas ruraux, des téléclubs, en particulier pour les enfants. Mais il a aussi conseillé et dirigé plusieurs films de télévision.
Je viens juste de m'apercevoir que ce passé religieux est un élément commun avec l'autre raconteur dont je voulais parler: Alain Rémond.
Pendant des années il a été pour moi uniquement le chroniqueur de la page «Mon oeil» que je lisais alors chaque semaine, toujours en priorité, dans la revue « Télérama ». Il n'avait pas son pareil pour raconter les émissions de télévision qu'il avait vues (les biens... et les nulles) ... ou alors dont il avouait, mi honteux mi excédé, mais avec un immense humour, qu'il ne les avait pas vues.
Si Bernard Alexandre était normand, Alain Rémond est lui breton. Né en 1946 à Mortain. D'accord c'est dans la Manche, mais il va passer l'essentiel de son enfance du côté de Dol avant de devenir pensionnaire à Saint Malo où il intégrera finalement le petit séminaire, puis partira un an au Canada dans le cadre de la poursuite de sa formation religieuse... De retour en France, il fera des études de philosophie avant de se marier et devenir journaliste de la presse écrite (Télérama, Paris-Hebdo, les nouvelles littéraires, Marianne, La Croix) et télévisuelle (arrêt sur image)
Mais un jour lui est venu le besoin de parler de son enfance, de cette fratrie de 10 où la mère est restée de longues années à s'occuper de ses enfants, où le père buvait, et où la vie n'était pas toujours facile. C'est celle-ci qu'il raconte dans « Chaque jour est un adieu ». Ayant eu le sentiment d'être mal compris, notamment quand il parlait de la « guerre » qui régnait entre ses parents et qui fût souvent comprise, à tort, comme le fait que son père battait sa mère, il a poursuivi l'exploration de son passé, celui de son adolescence cette fois-ci, avec « un jeune homme est passé ». Je n'ai par contre pas lu le dernier volume « une chanson dans la nuit ».
Ces deux hommes, via leurs biographies ont témoigné de ce qu'était la vie dans leur « pays » durant ces années-là. D'autres « raconteurs » passent par le biais de la fiction pour témoigner, mais ils le font de telle sorte que leurs personnages en deviennent presque réels.

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