dimanche 24 août 2008

Ombre et lumière (2) avec Georges de la Tour

N'ayant reçu aucune formation en matière d'arts, ce n'est que récemment que j'ai pris conscience que deux de mes peintres préférés appartenaient au même courant pictural: le baroque. Mais compte tenu de l'époque, non seulement ils ne se sont probablement jamais rencontrés, mais ne connaissaient sans doute pas leurs oeuvres respectives. Ils partagent en outre un autre point commun, celui d'avoir été relativement connus à leur époque avant de sombrer dans l'oubli (la fréquente absence de signature sur leurs oeuvres ayant probablement joué) et d'être redécouverts au XXème siècle.
Mais si Veermer s'est surtout rendu célèbre par ses scènes diurnes de la vie quotidienne hollandaise, dont beaucoup étaient reconstituées dans son atelier, Georges de La Tour s'est quant à lui illustré dans la représentation de scènes plus souvent religieuses, notamment nocturnes, où le clair-obscur est plus qu'une technique picturale.
Le thème de "Marie-Madeleine" l'a particulièrement inspiré.
Des six qu'il a peintes, je retiendrai celle que, dans un petit livre "l'ABCdaire" de Georges de La Tour, les auteurs appellent "Marie-Madeleine Whrighsman". Pourquoi? Parce que contrairement aux autres tableaux le peintre y fait figurer à la fois la vie ancienne de Marie-Madeleine, via le miroir richement décoré, les bijoux tombés à terre, la jupe rouge brodée... mais sa vie future avec la flamme de la bougie qui éclaire un visage dont on ne peut voir que le profil perdu et les longs cheveux qui tombent sur les épaules.
Deux autres tableaux me plaisent particulièrement:
l'un: "le nouveau-né" parce qu'il figure dans les collections du musée de la ville où je suis née,
l'autre: "l'Ange appa rais sant à saint Joseph" parce qu'il appartient à celles de la ville où je réside.
Ils permettent en outre, avec la Marie-Madeleine précédemment mentionnée d'illustrer l'unes des phrases qui figure dans le livre:
"Les théologiens et les mystiques opposent deux types de lumière, lux et lumen, qui se jouent aussi dans la représentation picturale. La première éclaire les corps de l'extérieur, sa source étant la lumière artificielle, celle des flammes, bougies, veilleuses, (...) La seconde est une lumière spirituelle, ou divine, et éclaire de l'intérieur comme si le corps lui-même la produisait(...)"
Et même agnostique, on se surprend alors à regarder les tableaux tout autrement... Tout comme on peut le faire avec d'autres images, beaucoup plus récentes celle-là.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

En écrivant un billet sur De La Tour , j'avais oublié de parler de René Char. et d'un autre tableau du peintre "Le prisonnier " celui qu'il préféra...
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Pendant la guerre, à l’époque où René Char était chef d’un groupe de résistants et où dans son combat contre l’occupant, il fit l’expérience de la barbarie nazie, c’est ce tableau de Georges de La Tour qui a été pour lui le symbole de l’humanité. II en parle dans les Feuillets d’Hypnos, ces esquisses écrites dans le maquis entre 1942 et 1944, dédiées à Albert Camus, qui représentent un tout nouvel exemple de poésie engagée :
"
La reproduction en couleur du Prisonnier de Georges de La Tour que j’ai piquée sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps, réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le coeur mais combien désaltère ! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n’ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l’emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d’ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de suif de la clarté tirent et diluent les traits de l’homme assis. Sa maigreur d’ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L’écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l’inespéré mieux que n’importe quelle aurore."
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Si l’oeuvre nocturne de Georges de La Tour a si profondément inspiré René Char, c’est peut-être parce qu’il est lui-même, plus encore qu’un poète solaire, le poète de la nuit qui se fait lumière, du « matinal ». Mais cet état intermédiaire où jour et nuit font l’épreuve de leur secrète et « exaltante alliance » est non seulement instable, mais aussi ambivalent, « cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l’issue de l’aube que le bougeoir du crépuscule ». Pourtant le moment où s’éteint la lumière, « cette heure de tombée » qui est la nôtre, n’est équivalent à celui où elle s’allume que si nous y gardons la mémoire de l’aurore et de la poussée en avant qu’elle inaugure :
"Nous ne pouvons vivre que dans l’entrouvert, exactement sur la ligne hermétique de partage de l’ombre et de la lumière. Mais nous sommes irrésistiblement jetés en avant. Toute notre personne prête aide et vertige à cette poussée "

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Beau Dimanche Anna

@nn@ L. a dit…

Dans le petit livre que je cite, figure cette anecdote par rapport à René Char, que, honte à moi, je dois reconnaître que je n'ai point lu.
Un auteur de plus à connaître, mais qu'importe, ce sera quand je serai vieille que je n'aurai plus envie d'en connaître de nouveaux :-)

Anonyme a dit…

Merci Anna pour cette belle note… je suis touchée en plein …j’aime énormément l’œuvre de G. de La Tour, je trouve que sa peinture à quelque chose d’iconographique… et j’éprouve également une grande passion pour René Char qui en parle si bien…j’ai dans mes lien sur mon blog, un lien sur le Louvre où quelques pages sont consacrées à « Madeleine à la veilleuse » et « Le prisonnier » (dont Alix fait référence) ressentis par René Char …

Madeleine à la veilleuse , par Georges de La Tour

« Je voudrais aujourd'hui que l'herbe fût blanche pour fouler l'évidence de vous voir souffrir : je ne regarderais pas sous votre main si jeune la forme dure, sans crépi de la mort. Un jour discrétionnaire, d'autres pourtant moins avides que moi, retireront votre chemise de toile, occuperont votre alcôve. Mais ils oublieront en partant de noyer la veilleuse et un peu d'huile se répandra par le poignard de la flamme sur l'impossible solution. »

René Char , Fureur et mystère, La fontaine narrative. Poésie Gallimard p. 215

http://www.educnet.education.fr/louvre/ecriture/char1.htm

Je fus quant à moi prise d’une grande émotion à la vue de « Joseph Charpentier » au musée du Louvre… l’éclairage du visage, les veines qui saillent, les rides du visage sur une peau de parchemin, la robustesse et la force de l’âge de l’homme face à la fragilité et la douceur de l’enfant, la transparence de la main… et cette lumière sur le visage où l’on perçoit « l’esprit saint » … je suis encore là à l’écrire prise d’une grande émotion…

(je tente de vous poser une photo du tableau)

http://catholique-rouen.cef.frIMG/jpgg/Georges_de_La_Tour._
St._Joseph_the_Carpenter._1640s._
Oil_on_canvas._
Louvre_Paris_France.jpg


Merci Anna pour tout cela que ce dimanche vous soit empli de douceur et beauté

Anonyme a dit…

Etonnante lumière sur ces tableaux.

Lumière d'antan.
Petite lumière faible et vacillante du soir.
Lumière partagée qui rapprochait les gens,
et qui laissait l'ombre habiller étrangement les personnages.

Magie de la lumière.

@nn@ L. a dit…

Oui Michel, magie de cette lumière si fragile dans un monde de ténèbres qui ne demande qu'à engloutir les hommes