lundi 6 octobre 2008

Voyage intérieur... d'impression en impression (5)

L'odeur des feuilles de tomates associée à mon père, celle de la lessive à ma mère, c'était leur odeur en tant que parents. Mais derrière, il en est deux autres qu'avec le recul je m'aperçois qu'elle correspondait à l'homme et la femme qu'ils étaient dans leur couple. Lui c'était l'odeur de cet after shave qu'il utilisait le dimanche matin: Aqua Velva. Mis à part en photo sur le net, il est très probable qu'on ne la trouve plus guère et pourtant que de souvenirs derrière cette odeur là. Le dimanche matin, c'était le seul matin où mon père prenait un peu de temps pour lui dans la petite salle de bain car les autres jours il était souvent déjà parti travailler lorsque nous nous levions. Mais le dimanche, notre très brun et à la barbe drue se rasait longuement, de très près. Je n'ai jamais enfant assisté à ce rituel masculin du rasage: moment considéré comme intime d'un homme auquel les petites filles que nous étions ne pouvaient être présentes. Mais il y avait les sons qui nous parvenaient de derrière la cloison avant qu'il ne sorte et ne vienne nous retrouver. Il y avait d'abord le ronronnement du rasoir électrique. Quelques minutes après lui succédaient quelques bruits d'eau lorsqu'il se rasait une seconde fois, avec son rasoir à main (que quelques années plus tard comme mes soeurs je lui emprunterais en douce). Et puis il y avait le bruit de la porte de l'armoire de toilette, le flacon qu'il débouchait, le claquement des paumes contre les joues... Le reste, j'ai oublié parce que j'attendais trop le moment que je savais qui suivrait: celui où il sortirait de la salle de bain et que l'une de nous aurait le privilège d'être la première en l'embrassant à poser ses lèvres sur sa joue rasée de frais et sentant très bon cet after shave. Ma mère gagnait souvent à ce jeu là. L'odeur du dimanche matin et celle de mon père... Est-ce en souvenir de ces moments là que je trouve toujours plus troublante une joue d'homme lisse qui sent l'after shave que celle râpeuse qu'il offre le soir? L'odeur de ma mère était concentré quant à elle dans le manteau de fourrure qu'elle mettait parfois l'hiver quand elle sortait et qu'il faisait très froid, rarement donc. Un manteau ou plus exactement une longue veste un peu ample en mouton noir très doux. Est ce pour cela que j'aime autant caresser notre chat angora? Il était si doux que plus d'une fois ma mère m'a surprise non à l'enfiler (trop lourd pour des épaules d'enfant) mais à m'allonger quasiment dessus pour y enfouir le nez au plus profond des poils en respirant avec délectation ce qui me semblait le plus doux parfum du monde, bien éloigné de l'image qu'elle donnait d'elle au quotidien. Il sentait ce mélange que l'une de mes filles appelle l'odeur de "la maman": un mélange de savon, de poudre et d'eau de toilette et sans doute de cette odeur de peau que nous avons tous, cette odeur que nous respirons lorsqu'on nous pose pour la première fois sur le ventre de notre mère. Odeurs d'enfance. Cesse-t-on d'ailleurs jamais d'être un enfant lorsqu'un parfum, une odeur nous ramènent si loin en arrière dans nos souvenirs?

2 commentaires:

Marwan a dit…

Le descriptif de l'application de l'aftershave m'a replongé en arrière d'une trentaine d'années. ;-)
J'ai pensé à cette publicité pour une marque, dont le nom m'échappe, qui vantait les bienfaits appaisants de son aftershave avec un acteur se l'appliquant avec des claques sur les joues... :-])

@nn@ L. a dit…

Et oui Marwan, à l'époque ce genre de publicité ne pouvait qu'être teintée d'humour viril

Je préfère nettement les versions actuelles comme celle où une jeune femme du Sud au décolleté fort prometteur rase de près un jeune homme fort troublé... bien loin donc de la version du "barbier de Séville" chanté par Serge Reggiani