Des petites filles donc: l'une avec une mère dont le moins que l'on puisse écrire est qu'elle ne fût guère aimante mais cette enfant là avait eu le malheur d'être la cadette dans un monde où les usages voulaient que seul(e) l'aîné(e) hérite de la terre. L'autre devint orpheline très tôt, mais quand on se sent aimé on le devient toujours trop tôt.
Toutes deux ont arrêté leurs études de bonne heure, comme il était alors fréquent chez les filles nées dans les familles d'agriculteurs: juste après leur certificat d'études. L'une n'est jamais allée au delà même si lors de sa dernière maladie elle a souvent regretté de chercher puis perdre ses mots, et plus tard de ne plus avoir la force physique d'écrire pour laisser des traces pour après, quand elle ne serait plus. L'autre a repris des études à l'âge adulte avec les restes d'un petit héritage et sa vie durant cherchera à apprendre.
Elles sont toutes les deux rentrées tôt dans la vie active. Pour celle qui sera placée dès 13 ans comme petite bonne dans une famille bourgeoise, la quantité de travail physique, matériel réalisé au service des autres sera même une valeur essentielle de sa vie, au point à la fin de sa vie de ne cesser de se lamenter "je ne fais plus rien, je ne suis plus bonne à rien ". L'approche de sa "consoeur" était différente car il me semble qu'elle se situait plus dans l'apprentissage permanent, pas tant pour elle que pour se rendre disponible, utile pour les autres.
Il sera peu écrit au sujet de ce que furent leurs vies de femme, d'épouse et de mère. Elles ont aimé et il me semble bien que toutes les deux auraient apprécié qu'on leur fasse plus souvent comprendre qu'on les aimaient aussi et de ne pas parfois autant douter de l'amour de ceux qui comptaient le plus à leurs yeux.
Enfin toutes les deux étaient croyantes. Pour l'une, élevée dans cette Bretagne catholique où l'on est croyant sans parfois se poser la moindre question, je ne l'ai vraiment compris que sur le tard, lors de sa dernière maladie. L'autre qui avait grandi dans un milieu agnostique, voire athé faisait partie de ceux qui s'engagent à l'âge adulte et réfléchissent à leur foi la vie durant.
Aujourd'hui qu'elles m'ont quitté ces deux mères, l'une de sang, l'autre de coeur, il me faut tourner la page en regardant les deux dernières images que j'ai prises d'elles. L'une, bien que c'était un jour de fête est d'une immense tristesse, mais aucun de nous ne savait que moins de 6 mois plus tard elle ne serait plus, peut-être le pressentait-elle. L'autre, a cet immense sourire qui était parfois le sien, notamment lorsqu'elle était entourée des siens.
Deux femmes, deux expressions, deux images même de ce que sont nos vies.
3 commentaires:
Belle histoire Anna
Bel hommage aussi et le 13 en référence comme un fil d'Ariane
un livre à écrire et le fait même d'en parler réanime les personnages
Très belle histoire, émouvante et pleine de vérité. Tout cela pose énormément de questions. Pourquoi l'une avait dans la tête la joie, l'envie d'apprendre en un mot la positivité et pas l'autre.Et derrières ces façades la quelle était plus heureuse ? Etc......
Chacun d'entre nous a son petit secret qui peut, parfois, être inconscient.
* une belle histoire... je ne suis pas certaine Arlette que ces femmes auraient ainsi qualifié leur histoire
Un livre à écrire... sauf qu'elles ne sont plus là pour raconter, expliquer... par exemple quand et comment a disparu une jeune fille de 16 ans au sourire taquin et au regard pétillant
* Ce qui peut donner la joie, l'envie d'apprendre et tout ce qui va avec caphadock? Peut être de s'être senti suffisament aimé enfant, même si cela n'a duré que trop peu d'années, pour plus tard donner sans jamais rien attendre de l'autre, des autres?
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