dimanche 14 décembre 2008

Destin de Femme (7) Séraphine

Hasard, coïncidence ou tout simplement le moment était venu, toujours est-il qu'une femme jusqu'alors inconnue sauf de quelques spécialistes est devenue un petit peu plus connue du grand public depuis quelques semaines. Sur les écrans de cinéma elle a le visage et le corps de Yolande Moreau qui incarne cette femme peintre du début du XXème siècle:Séraphine LOUIS dite Séraphine de Senlis, née le 3 septembre 1864 et morte de faim comme beaucoup d'autres malades psychiatriques internés: le 11 décembre 1942.

Ce qui m'a fait aller voir ce film qui porte tout simplement son prénom: "Séraphine" ? Lors de la bande annonce, une petite phrase prononcée par Séraphine/Yolande, une petite phrase qui a été pour moi comme "le petit chat est mort" de Agnès dans "l'école des femmes " de Molière.

"Monsieur se moque"

Voilà ce que dit Séraphine à Wilhem Uhde, ce collectionneur parisien allemand venu chercher un peu de tranquillité à Senlis lorsque ce dernier lui fait remarquer que ce quelle peint et qu'il a découvert par hasard est beau. Elle n'y croit pas. Comment elle, une femme de ménage entre deux âges bien éloignée des canons de la beauté féminine qui peint la nuit lorsque la vierge lui en donne l'ordre (mais cette patronne là au moins la respecte) comment elle pourrait-elle faire quelque chose de beau?

La réponse est peut-être dans ces deux phrases trouvées dans l'un des ouvrages publiés récemment au sujet de Séraphine: un recueil de ces oeuvres, une biographie écrite par un historien de l'art et une autre par une psychanalyste et peintre: Françoise Cloarec, l'ouvrage que j'ai retenu:

"A quel moment l'originalité se transforme -t-elle en trouble psychiatrique?

A quel moment le délire détruit la création, prend toute la place?"

Séraphine comme d'autres artistes ayant a un moment ou un autre fréquenté de façon plus ou moins poussée le monde de la psychiatrie: Antonin Artaud, Camille Claudel, Vincent Van Gogh, Virginia Woolf... a longtemps hésité entre les deux mondes. Non pas celui des personnes saines et celui des malades, mais celui du monde extérieur et de notre monde intérieur que seul(e)s certain(e)s peuvent déchiffrer en créant quelque chose d'autre.

Il faut voir le film.

Pour la manière de peindre de Séraphine qui utilisait des pigments naturels: terre, plantes... sang. Mais aussi peignait autant avec le pinceau qu'avec ses doigts, bien avant les peintres qui feront oeuvre d'art en projetant des jets de peinture sur la toile blanche.

Pour la beauté extasiée du visage de Yolande Moreau lorsque est Séraphine en train de peindre à la lueur des bougies éclairant une image pieuse tout en chantant des cantiques.

Pour la sensualité qui régulièrement s'en dégage: Séraphine marchant toute habillée de nuit dans la rivière et caressant les plantes aquatiques, Séraphine se baignant nue dans cette même rivière un jour d'été, Séraphine grimpant aux arbres pour regarder au loin la plaine tandis que le vent chante dans les feuillages, Séraphine arrêtant la lessive pour se libérer d'un besoin pressant et qui regarde fascinée le soleil danser dans les feuilles des arbres...

C'est peut-être ça qu'il faut retenir de ce film et de cette artiste: Le beau est partout, accessible à tous, il suffit juste de savoir le regarder.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Un film magnifique et émouvant ... une Séraphine merveilleusement interprétée... de ces films si forts, où l'on rit, où l'on pleure... merci pour cette page

cailloublanc a dit…

Merci pour les pistes des films à voir, des lire à lire, des chemins à emprunter.... Merci @nn@!

Anonyme a dit…

Vous avez si bien repris les thèmes de cette histoire avec plus de détails que moi -même ,d'autant plus que cette phrase "Monsieur se moque " m'avait touchée dans sa implicité ,pudeur et profonde observation de sa pleine conscience
Merci Anna je vais joindre votre billet à mon reportage

Anonyme a dit…

Que Yolande Moreau est bouleversante dans ce film ! C'est un hymne à la peinture comme il n'en existe que très peu ! Quel destin que celui de cette artiste que j'ai découvert à cette occasion. Au-delà de la folie se pose la question de la reconnaissance de l'Artiste... A partir de quel moment est-on artiste, le devient-on, qui le décide si vraiment quelqu'un le décide ?

@nn@ L. a dit…

* Maria, Arlette, Malaussen, que rajouter de plus à ce que vous n'ayez écrit?
Que j'espère que Gene après avoir lu vos mots aura encore plus envie de le voir ce film sorti sans aucune publicité mais que pas mal de gens sont allés voir vu l'excellent bouche à oreille qui l'entoure