mardi 25 août 2009

93, 96, 115...

Ces chiffres n'ont rien à voir avec le loto, ni les départements français ... Ce sont ceux du nombre de personnes qui se sont suicidées dans les prisons françaises depuis 2006. Des chiffres qui semblent faibles, dérisoires même au regard du nombre total de suicides qui est estimé à 13 000 par an selon une enquête de la DREESS* mais qui restent choquants à plus d'un titre.

Choquants parce que même faibles, ils cachent une autre réalité tabou, celui du "mal-être" tant dans les prisons que dans les autres lieux de la société, ceux où l'on est libre, puisqu'on estime le nombre de tentatives de suicide à plus de 190 000 par an*.

Choquants parce qu'il est pour le moins surprenant que quelqu'un qu'on enferme, quelles que soient les raisons pour lesquelles on estime qu'il est dangereux pour la société, soit finalement plus exposé que quelqu'un qui est en liberté puisque rapporté à la population carcérale, le taux de suicide est dix fois plus élevé en prison que dans l'ensemble de la population.

Et surtout choquants par rapport aux récentes préconisations faites par la Ministre de la Justice, préconisations qu'elle a tirées dans rapport remis en avril dernier par le Dr Albrand: "la généralisation de "kits de protection" destinés aux détenus susceptibles d'attenter à leurs jours, contenant des draps et couvertures indéchirables et des pyjamas en papier à usage unique pour éviter les pendaisons, ainsi que des matelas anti-feu."

Sauf que le Dr Albrand, après avoir dressé le profil-type du suicidé: essentiellement des hommes, de 35 ans en moyenne, par pendaison à 96 %, et dans 90 % des cas durant les trois premiers mois de détention (c'est à dire quand il est en détention préventive en maison d'arrêt, à un moment où aucune peine n'a été prononcée), préconisait d'abord de donner des perspectives d'avenir aux détenus, de mieux associer leurs proches des détenus afin d'atténuer le sentiment d'isolement des prisonniers ...
Oui mais, ce genre de mesures, qui privilégie l'humain et non le matériel, n'est pas dans l'air du temps. Alors...
Alors, quel sera le nombre de suicides en 2009?

* n° 488 de mai 2006 sur "suicides et tentatives de suicide en France" de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé.

4 commentaires:

malaussen a dit…

Ce soir, j'écoutais Florence Aubenas, présidente de l'Observatoire international des prisons qui parlait en ces termes de l'enfermement : "Plus de la moitié des jeunes qui sortent de prison aujourd'hui en sortent plus anéantis que jamais... Accepterait-on cela en parlant d'un hôpital ou d'une école ?..."
Faire payer à tout prix la faute commise... est le seul souci de nos dirigeants. Quant à Mme Alliot-Marie, je trouve ses propositions écoeurantes et ô combien dérisoires devant l'ampleur du problème.
PS: demain sort le dernier film de Jacques Audiard ("Le prophète") qui justement traite des prisons.

@nn@ L. a dit…

"Faire payer à tout prix la faute commise..." écrivez-vous Malaussen.
Savez-vous que certaines peines de prison pourraient être plus légères, mais il faut bien couvrir le temps passé en préventive...
Le film d'Audiard, j'ai vu la bande-annonce, effrayante, pas tant par sa violence du parcours décrit que par ce constat: la prison enfonce plus qu'elle ne sauve.

Jean a dit…

Je me sens mal à l'aise , anxieux même , chaque fois que je lis l'annonce d'un suicide.
En prison ou ailleurs .
Autrefois , les suicidés étaient considérés comme des pestiférés .

Au contraire , j'ai envers eux un élan spontané .
Je ne peux m'empêcher d'essayer de deviner , de ressentir la détresse qui les a conduit à une telle extrémité .

J'entends dire , à leur sujet , qu'ils manquent de courage .
Non , je ne le crois pas .
Il faut , au contraire , beaucoup de courage pour aller au devant de l'inconnue Mort .

@nn@ L. a dit…

Ce temps où ils étaient mal vus n'est pas si lointain Jean. Il y a encore une dizaine d'années de cela j'ai assisté à mon 1er enterrement civil parce que le curé de la paroisse d'une commune de près de 13 000 habitants refusait de prononcer la messe pour un père de famille qui, ne supportant pas d'être au chômage, d'être en instance de divorce etc... avait mis fin à ses jours.

Ce qui me met le plus mal à l'aise: de me dire que ceux qui les ont côtoyé n'ont pu les empêcher de passer à l'acte, ou pire, n'ont pas remarqué à quel point ils étaient mal, surtout quand il n'y a aucune explication (même si on sait maintenant que bien souvent il n'y a pas une mais des causes)