dimanche 25 mars 2012

Le mémorial pour l'abolition de l'esclavage de Nantes

Il a été inauguré le 25 mars. Mais je n'y suis pas allée. Du moins, pour le moment car je déteste les manifestations officielles. Mais je trouverai d'ici à la fin mai, le temps d'y aller un weeek-end.
Qu'en dire d'ores et déjà?

Que d'une certaine manière, tout a commencé en 1992, avec une exposition organisée au sein du château des ducs de Nantes. Une exposition qui a fait tousser plus d'un vieux Nantais, notamment lorsqu'il était descendant d'une famille d'armateurs. En effet, s'il était de bon ton de s'extasier sur les beaux immeubles de l'île Feydeau, il était malvenu de rappeler que ces derniers avaient été construits grâce à l'argent provenant du commerce triangulaire où Nantes s'était "illustrée" de fâcheuse façon.
En lisant un des articles consacré à l'événement j'ai découvert ceci : "La comptabilité du port fait état de 1714 expéditions transatlantiques, contre moins de 500 pour chacun de ses principaux concurrents : Le Havre, La Rochelle et Bordeaux. Au total, et pour parler crûment, plus de 450 000 Africains ont été déportés par les marins nantais." Mine de rien, cela correspond à la population actuelle de l'agglomération de la ville de Nantes.

Que la décision de faire construire le mémorial a été prise 6 ans plus tard, en 1998, l’année du 150e anniversaire de l’abolition française de l’esclavage. Mais ce n'est qu'aujourd'hui que le mémorial est ouvert au public.
Il comprend 3 parties:
- un parcours extérieur avec 2 000 plaques de verre portant le nom des bateaux ayant participé au commerce
- un parcours dit "méditatif" auquel on accède via un escalier qui plonge dans les entrailles du quai. Au point de départ du parcours on trouve l'article 4 de la déclaration universelle des droits de l'Homme : "Nul sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes"
- Et pour finir, une partie historique où il est notamment question de l'esclavage contemporain.

Et le futur?
Il y a tout d'abord la lutte contre ce qui peut être assimilé à des formes d'esclavage moderne: comme l'emploi sans la moindre rémunération de personnes corvéables jour et nuit à qui on retire leurs papiers d'identité ou encore les réseaux de prostitution internationale etc...
Mais il y a aussi cette demande formulée par un certain nombre d'associations qui vise à renommer les rues de Nantes qui portent le nom d'armateurs qui se sont enrichis grâce au commerce triangulaire. Le genre de démarche qui a vu le jour au sein de quelques municipalités qui refusent désormais d'avoir une rue par exemple au nom d'Alexis Carrel*. Et si j'en crois le livre que je suis en train de lire sur les Nantais célèbres, ce changement de nom serait de nature à affecter un certain nombre de rues et de bâtiments nantais. Alors? Alors, le devoir de mémoire ira t il jusqu'à effacer toutes les traces de ce passé?

* Alexis Carrel a été prix Nobel en 1912. Mais on se rappelle désormais qu'il a aussi écrit en faveur de l'eugénisme, notamment dans "l'homme, cet inconnu"

2 commentaires:

Lucm Rezé a dit…

"Alors, le devoir de mémoire ira t il jusqu'à effacer toutes les traces de ce passé?" dites vous. Mémoire et effacer: ne serait-ce pas antinomique ? Alors, pourquoi ne pas mettre ces plaques de rues la tête en bas ?

@nn@ L. a dit…

Exact Luc, "devoir de mémoire" et effacer ces traces sont incompatibles.
Au fait, je suis allée en début de semaine re-voir le Musée des Ducs de Bretagne où il y a plusieurs salles consacrées à Nantes la négrière. Impressionnant de voir les images de bateaux, le code noir, les registres, les outils de l'esclavage: anneaux, fouets etc...