mardi 28 octobre 2008

Chagrins d'enfants

Dans un commentaire d'hier il y avait une petite phrase, non écrite, sur la douleur que l'on éprouve vis-à-vis de "ceux que l'on a perdu", ou sa variante "ceux qui nous ont quitté". Des phrases qui ne sont jamais que des esquives pour ne pas écrire les mots "mort" ou "décès".
Et je n'ai pu que me rappeler ce film vu au cinéma en 1978 au sujet duquel une amie m'avait dit avec un petit rire, un de ces rires que l'on utilise lorsqu'on est gêné(e) d'avouer quelque chose d'un peu intime: "n'oublie pas d'emmener ta boîte de kleenex parce à la fin du film il y avait une mare autour de mon siège"
Elle avait amplement raison car que le film "l'incompris" de Comencini est émouvant.
J'en garde quelques images dont celles-ci:
Le père d'Andréas, l'aîné de ses fils, lui a avoué la mort de sa femme en lui faisant promettre de taire celle-ci auprès de son petit frère car il estime (à tort mais il ne le comprendra que trop tard) qu'il est moins sensible que son jeune frère.
Or, Andrées souffre beaucoup de cette dispartion. Il souffre mais ne dit rien au risque de paraître insensible.
Il ne dit rien sauf un jour où prenant sa douche il se met du shampoing dans les yeux et par habitude appelle sa mère avant de s'effondrer. Brutalement il vient de se rappeller non seulement qu'elle est morte mais de comprendre que plus jamais il ne la verra, plus jamais il ne pourra prononcer ce mot de "Maman".
Plus tard il sera fou de douleur après avoir effacé par mégarde un enregistrement sonore de la voix de sa mère que, tout comme son père, il écoutait et re-écoutait seul en boucle.

Cette douleur d'enfant incompris fait mal, très mal.

Tout comme celle de Shasha, cette petite Africaine qui, dans "Chamelle", le livre de Marc Dugain-Valois, dans une courte mais bouleversante scène du livre et du film qui en a été tiré, va pleurer. En effet, durant l'exode qui doit la mener ainsi que sa famille dans la région des lacs, elle vient de voir mourir de soif sa chèvre préférée.
« (...) Nous la regardions s'escrimer en silence. Impuissante, exténuée par ses efforts et la chaleur, elle se releva, lança un long regard blessé d'étonnement blessé dans notre direction, s'immobilisa ainsi, tournée vers nous, debout près de la chèvre couchée. Et elle éclata soudain en sanglots, les épaules secouées, les bras tendus le long du corps, les poings serrés, le visage crispé de pli, en lâchant une plainte affreuse d'enfant, longue, aiguë, si puissante qu'elle nous serra le coeur dans un étau de sons lancinants, nous gonfla la gorge et les yeux du même chagrin douloureux, celui de la confiance trahie, celui de l'innocence que le hasard, les hommes et les choses venaient de déchirer dans un bruissement cruel de soie. (...) »
La douleur de l'enfant incompris et celle de l'enfant trahi.

2 commentaires:

cailloublanc a dit…

Chère @nn@... De retour près de mon lac (sous la pluie, sous le vent d'automne). Vous évoquez l'enfance tout en chagrin... devant laquelle on se sent si démuni quand on la voit de loin. J'ai la chance (je déteste ce mot) de travailler avec les enfants (petits et grands), et là, le chagrin, on peut l'apprivoiser, le rendre plus léger. Un jour, je vous parlerai de Sylvain, un tout petit du Burkina que les élèves qui m'accompagnaient ont découvert. Exclu, car orphelin et sourd...
Bien à vous
Gene

@nn@ L. a dit…

Jolies expressions dont vous usez là Gene pour décrire une partie du travail que vous effectuez auprès des enfants, car les accompagner tandis qu'ils grandisent ce n'est heureusement pas que leur apprendre à "apprivoiser le chagrin et le rendre plus léger"

Triste histoire que celle de Sylvain, doublement exclu puisque sans parents pour l'accompagner dans un monde d'entendants.