lundi 20 octobre 2008

Voyage intérieur ... d'impression en impression (6)

Hier j'écrivais sur les chemins qui parfois font perdre, plus ou moins volontairement le fil.
Et aujourd'hui le chemin que je retrouve est celui d'impressions liées à une odeur... le long d'un chemin ou plus exactement d'un cheminement que nous faisions autrefois, une fois l'an, autour d'un cloître, le jour du mercredi des Cendres. Un rituel dont je viens de découvrir qu'il est (ou était car j'ignore s'il se pratique encore puisque je ne fréquente plus guère les églises que pour les enterrements) typiquement catholique.
Ces cendres, le prêtre les avait obtenues en brûlant les anciens feuillages bénis le dimanche des rameaux de l'année précédente. Régulièrement l'enfant de choeur balançait l'encensoir. Des années ont passé mais je me rappelle toujours du "ting, ting" caractéristique de l'encensoir venant heurter la chaîne à laquelle il était suspendu tandis que s'élevaient des volutes parfumées que je reniflais, à l'avance, avec délectation.
Puis dans les odeurs aromatiques d'herbes brûlées (il y avait du laurier) et d'encens nous nous avancions les uns derrière les autres afin qu'il trace sur notre front une croix de cendres. Il prononçait alors cette phrase que je trouvais mystérieuse, car elle ne nous avait pas été expliquée, mais aussi effrayante: "Car poussière tu es, et tu redeviendras poussière".
Des cierges étaient alors distribués et, précédés de l'enfant de choeur portant l'encensoir, nous faisions, en chantant, le tour du cloître qui jouxtait la petite chapelle où se déroulait la cérémonie. Il faisait toujours un peu sombre et frais dans ce cloître, même l'été.
Je suis retournée récemment dans ma ville natale pour constater, déçue, que l'un des côtés du cloître avait été détruit, les arbustres centraux arrachés et surtout que les carrelages blancs décorés d'un beau rouge violacé où, par un jeu aux règles oubliées, je refusais de marcher sur certains motifs avaient été remplacées par un très quelconque pavage de dalles beiges.
La chapelle elle n'avait pas changé lorsque j'y suis retournée pour retrouver un peu de sérénité après avoir visité un proche hospitalisé dans l'enceinte de la clinique où elle se trouve.
N'y manquait que l'odeur d'encens...
Ah l'odeur d'encens et le tintement musical de l'encensoir contre la chaîne ...
Merveilleuse mémoire.
Il ne restait plus alors qu'à convoquer les souvenirs enfouis au fond de la mémoire en oubliant ce que je savais: quelques jours ou quelques semaines au mieux plus tard je sentirai de nouveau cette odeur, mais cette fois-ci dans l'église de son enfance.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Un beau voyage au coeur de ce qui nous fait et parfois nous défait lorsque nous "déplions" nos mémoires.

cailloublanc a dit…

J'aime beaucoup, chère @nn@, votre cheminement dans l'écriture, ces chemins réouverts progressivement, pas à pas. Je me demande si vous écrivez "directement" ou si vous procédez par réécriture. Bref, votre blog a l'art de me faire poser des questions, comme vous voyez, moi qui écris (sur blog) d'une manière spontanée sans avoir trop le temps de chercher les photos. Belle journée à vous!
Gene

Anonyme a dit…

L'actualité faisant droit
Je voulais revenir aux impressions . Chère Anna Justement comme Gene le fait remarquer ,la lecture de vos articles nous incite à se poser des question ou tout au moins à méditer sur nous- même car la vie nous entraîne si vite dans le matériel et pour continuer il faut parfois revenir en arrière .c'est bien
Merci pour ces instants partagés
Amitiés AA
( moi aussi j'écris en direct selon mon coeur ,à part sur mes blogs où je tâche de coordonner les suites )

@nn@ L. a dit…

* Merci Michel (sourire)
A propos de mémoire, en rédigeant ce billet je n'ai pas manqué de repenser à cette odeur non identifiée d'une ruelle de Pornic

* Gene, si au départ la plupart des billets ont été écrits un peu à l'avance, avec une logique qui les guidait, les reliait, désormais ils sont assez souvent rédigés "directement" et s'apparentent parfois comme une sorte de réponse à une question implicitement posée par quelqu'un... qui n'en a même pas eu forcément conscience (sourire).
Ainsi je sais qu'à un moment je parlerai de "sensations" autour de la solitude avec Friedrich, E. Hopper, du désir de l'autre... mais quand, comment, je ne sais... Il faut parfois laisser cheminer les idées jusqu'au moment où il y a un fait déclanchant

* "...méditer sur nous- même car la vie nous entraîne si vite dans le matériel..."
Arlette, en écrivant ceci vous me renvoyez à l'une des plus belles choses qu'une de mes anciennes collègues de travail, dont j'ai su qu'elle était bouddhiste, avait appris à ses filles: se "poser" dans la journée et s'interroger sur le sens qu'elles donnaient à leurs actes