mercredi 8 juillet 2009

Aller au delà des apparences

C'était en 1974, durant un séjour en colonie quelque part en Ardèche. Une colo? Non plutôt un camp pour adolescents qui, contrairement aux autres colonies qui l'avaient précédé (et n'avaient jamais ressemblé à celles de Pierre Perret) se passait très mal. Mais pas pour les mêmes raisons que celles décrites dans la chanson. Non. Quelque chose qui ne passe pas avec un groupe et qui fait que vous ne vous sentez pas à votre place, complètement rejeté. Et puis une nuit en quelques minutes on apprend à aller au delà des apparences...

Il y avait eu un spectacle le soir au village et pour remonter au camp il y avait deux solutions: suivre sagement la route comme le troupeau (où l'on se sent comme une brebis galeuse) ou passer outre les consignes de sécurité données par des moniteurs incapables de surveiller toutes leurs ouailles et couper à travers un petit bois non éclairé qui suivait un torrent en contrebas.

Sur l'étroit chemin escarpé il marchait devant moi en silence.
En trois semaines de séjour j'avais eu l'occasion de le remarquer, non pas pour son physique, trop brun, trop petit, trop trapu à mon goût, mais parce qu'il détonnait un peu parmi la bande d'adolescents. Solitaire, il était le seul à oser le jean avec les chaussures genre santiags et le blouson en cuir avec des motifs surpiquées dans le dos. Là non plus pas du tout mon style. En plus j'avais appris qu'à la fin de l'été il allait rentrer dans la vie active. Alors en bonne élève quittant le collège de jeunes filles "Ste Jeanne d'Arc" pour intégrer le lycée mixte "l'Assomption"...
Mais présentement il marchait quelques pas devant moi et j'avais un peu peur, notamment parce que je savais qu'environ à mi chemin il y avait un passage dangereux même en plein jour car il fallait franchir une crevasse qui coupait le chemin. Mais je n'en disais rien. De toute manière nous ne nous étions jamais parlé.
Arrivé à cet endroit là, il a sauté sans hésiter. Puis juste après il s'est arrêté et sans que je ne lui demande rien il s'est retourné, m'a attendue et tendu la main pour sécuriser mon passage. Je crois même que lui qui ne m'avait jamais adressé la parole a même murmuré quelque chose comme "Viens, n'ai pas peur". Et puis une fois que je l'ai eu rejoint de l'autre côté du chemin, il m'a lâché la main et nous avons repris notre route, sans un mot de plus.
J'étais tellement surprise de ce geste que je ne suis même pas certaine de l'avoir remercié, pour ce geste que beaucoup des autres garçons de son âge n'auraient pas fait, et pour tout ce qu'il signifiait et que je n'ai compris que beaucoup plus tard.
Je n'ai désormais qu'un regret: celui de ne même pas me rappeler son prénom.

3 commentaires:

arlette a dit…

Cela aurait pu être une belle histoire ..............d'amour

Marwan a dit…

Je me souviens d'un été à Bordeaux. Je devais avoir 17-18 ans et j'accompagnais mes parents et de la famille au restaurant.
A l'autre extrémité de la salle, en vis à vis de ma table, il y avait cette jeune femme de mon âge, châtain clair, souriante, également attablée avec des adultes que je supposais être ses parents.
Nous n'avons pas cessé d'échanger des regards tout au long de la soirée, tout en restant concentrés sur les conversations de nos tables respectives.
C'est elle qui est allé le plus loin avec de grands sourires et quelques clins d'oeil.

Je n'ai jamais su qui elle était, ni même un début de nom ou de prénom.
Elle est resté pour moi "la lectrice à la Pravda", détail marquant car, la Perestroïka n'étant qu'à ses débuts, l'avoir vu sortir ce fameux journal russe à un moment de la soirée, ne m'avait pas échappé.
Elle restera aussi cette jeune femme symbole d'un flirt contrarié par la présence d'adultes qu'on aime mais que l'on voudrait à l'autre bout du monde à cet instant.

@nn@ L. a dit…

* Une histoire d'amour? à 16 ans, j'en doute un peu Arlette.
Une chose est certaine, quel que soit l'âge, à cause d'impressions premières, de préjugés... on passe à côté de personnes qui mériteraient tellement plus qu'un simple regard ou quelques mots.

* Alors Marwan, il faut re-écouter la chanson "les passantes" dont j'ai déjà parlé le 14 mai... 2008 (sourire)
http://un-chat-passant-parmi-les-livres.blogspot.com/2008/05/les-passantes-et-georges-brassens.html