mercredi 20 août 2008

"Johnny got his gun"

Il y a environ 35 ans de cela un après-midi là j'ai quitté rapidement la salle de cinéma de mon quartier où passait « Johnny got his gun », un film réalisé en 19.. par Dalton Trumbo.
Dehors il faisait beau, un beau soleil d'été brillait dans un ciel uniformément bleu, rendant encore plus atroce le contraste avec les images en noir et blanc sur lesquelles se concluait le film avec les restes d'un soldat, un tronc en réalité dont les membres avaient été arrachés par une explosion durant la guerre de 14/18. Les membres et une bonne partie du visage ce qui faisait que pendant longtemps, l'ancien soldat ne pouvait communiquer avec son entourage. Du moins jusqu'au moment où il se rappelait avoir appris le morse et commençait à « parler ».
Mais le film se terminait sur une demande inacceptable pour l'état-major auprès duquel il la formulait. Une demande qui trouvait sa source dans les idées pacifistes de Dalton Trumbo , idées qu'ils avaient posées sur le papier dès 1938.
Il va de soit que peu dans l'air du temps, elles furent alors peu appréciées. Et cela même lorsque Dalton Trumbo songeat à retravailler son ouvrage en 1959 (aprèsla guerre de Corée) ou en 1970 (durant la guerre du Viet-Nam).
Que demandait ce soldat. Peu de chose mais tellement en réalité. Il voulait retrouver des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, une bouche pour parler, rire, embrasser Il voulait sortir, ne plus être enfermé comme un mort-vivant.
Et surtout, surtout, il voulait témoigner.
« Emmenez-moi dans les lieux où les hommes travaillent et produisent. Emmenez-moi là bas et dites-leur (...) les temps sont peut-être durs et vos salaires sont bas. Ne vous faites pas de soucis les gars car il y a toujours un moyen de remédier à cela. Faites une guerre et alors les prix monteront et les salaires monteront et tout le monde gagnera des floppées d'argent. (...) Emmenez-moi dans les écoles toutes les écoles du monde. Laissez venir à moi les petits enfants c'est bien cela. Il se peut qu'ils poussent des hurlements au début et qu'ils aient des cauchemars mais il s'y habitueront car il faut qu'ils s'y habituent (...) viens ma petite fille viens mon petit garçon venez jeter un coup d'oeil sur papa. Venez jeter un coup d'oel sur ce que vous serez un jour (...) Vous aurez peut-être la chance de mourir pour votre pays. Mais il se peut que vous ne mourriez pas il se peut que vous reveniez dans cet état. Tout le monde ne meurt pas mes petits enfants. (...) Emmenez moi dans les lieux où se tiennent les parlements et les diètes et les sénats et les chambres de députés. Je veux être présent quand ils parleront d'honneur et de justice et de sauvetage de la démocratie dans le monde (...) et de l'autodétermination des peuples (...) Mais avant qu'ils passent au vote avant qu'ils donnent à tous les petits gars l'ordre de commencer à s'entretuerque le grand manitou frappe sur la cage et me désigne à l'assistance et dise messieurs il y a une seule question qui ait de l'importance pour cette assemblée c'est de savoir si vous êtes pour cette chose-là ou si vous êtes contre (...) »
A cette demande, Johnny n'obtenait que la réponse suivante: « Ce que vous demandez est contre le règlement. Qui êtes vous »
Il comprenait alors ceci « (...) ils voulaient simplement l'oublier. Il pesait sur leur conscience aussi l'abandonnaient-ils le délaissaient-ils (...) »
Et Johnny avant de s'endormir drogué afin qu'il ne frappe plus, avant que ce qu'il appelait le cercueil ne soit refermé sur son corps de mort-vivant, n'avait pour sule satisfaction qu'un jour grâce à des hommes tels que lui, les autres pourraient refuser de partir à la guerre et se révolter.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Anna , terrible histoire que vous racontez là ...Il y a deux à trois ans , je ne sais plus dans quelles circonstances exactement , je me suis retrouvée à lire ces " lettres de poilus " , comme autant de témoignages sur l'absurdité de la guerre , de toutes les guerres...Une lecture qui m'a profondément bouleversée, au point que j'ai écrit sur le livre... des mots de colère...
Mon arrière grand -père( maternel ) avait 17 ans en 1914..

ps , Marc Dugain ( je crois ) a écrit un livre sur ceux qu'on appellait "Les gueules cassées " et je crois qu'il a été adapté au cinéma ...
@ bientôt

@nn@ L. a dit…

Le livre de Dugain s'appelle "la chambre des officiers" et est édité en France chez presse pocket. Un film en a été tiré.
http://un-chat-passant-parmi-les-livres.blogspot.com/2008/06/tous-les-matins-du-monde.html
Un livre aussi bouleversant que "Johnny got his gun" mais rempli d'espoir avec la fraternité qui se met en place entre les "gueules cassées". Une fraternité qui se prolongera après la guerre de 14/18 lorsque l'un d'eux sera traqué en tant que juif et mais aussi lorsque à la mort de l'un d'eux ils verront apparaître les "gueulles cassées" d'Indochine à qui ils décideront de redonner le goût de vivre.

La conclusion du livre de Trumbo est encore plus forte, plus dure que ce que j'ai osé recopier. Trumbo était TRES anti-militariste alors il a écrit avec ses tripes et moi je n'arrêtais pas de me moucher la 1ère fois que j'ai lu son texte. Quand j'ai recopié le texte hier j'étais aussi très émue car désormais je le lis en pensant à mon père revenu intact de la guerre mais aussi à mes enfants.

Bush aurait bien fait de le lire aussi avant d'envoyer au casse-pipe autant de soldats pour avant tout une histoire de pétrole plus que de démocratie. Mais ce n'est pas son genre

Anonyme a dit…

Oui , le titre m'est revenu ...Du même auteur , je n'ai lu que son dernier , "une éxécution ordinaire " où il applique un réquisitoire sans état d'âme sur le peu de valeur que l'on accorde à la VIE humaine dans certains pays que l'on prétend démocratiques ; une fiction sur un fait réel : le sous-marin russe coulé en mer de Barens en 2000...Il y brosse d'ailleurs le portrait glaçant d'un ancien agent du KGB dont on sait qu'il s'agit de Vladimir Poutine .
"Nous avons pensé faire pour le mieux, mais, au final , il s'est avéré que nous avons fait comme d'habitude " Victor Tchernomydrine (ancien premier ministre russe )

Anonyme a dit…

C'est encore terriblement d'actualité, et, hélas, le restera probablement pour toujours puisque la guerre ne se "démode" jamais chez les hommes...

Marwan a dit…

Malheureusement, l'homme apprend très mal ses leçons du passé et il demeure toujours des petits chefs incultes, qui n'ouvriront jamais de tels livres, pour se rêver des moments de gloire sur le sang versé par les autres... :-/

@nn@ L. a dit…

* Alix, je ne connaissais pas ce titre de Dugain mais il est vrai que c'est un auteur dont j'ignorais l'existence avant "la chambre des officiers" lu grâce au film. Je ne sais pas si je lirai "une execution ordinaire" car je doute qu'il puisse y avoir le moindre espoir avec un homme tel que cet ancien du KGB

* Effectivement verveinecitron, le texte de Trumbo reste malheureusement terriblement d'actualité. Il le reste et le restera car il n'y a pas d'illusion à se faire: le naturel humain le porte plus à taper sur son voisin qu'à l'aider.

* Quant à ce que vous écrivez Marwan, ça m'a fait brusquement penser à "Paths of glory" de Kubrick, film lontemps interdit de diffusion en France... Mais il est vrai que nous sommes un pays frileux dès qu'il faut regarder certaines réalités en France: la collaboration, la guerre d'Algérie...