dimanche 25 janvier 2009

... "comment je m'appelle"...

Pour Verveinecitron, cette chanson d'Anne Sylvestre qui est avec "Sorcières" l'un des plus beaux manifestes de la difficulté parfois d'être fille, amante, mère... enfin d'être soi.

Si vous le savez comment je m'appelle, vous me le direz, vous me le direz. Si vous le savez comment je m'appelle, vous me le direz, je l'ai z'oublié, vous me le direz, je l'ai z'oublié

Quand j'étais petite et que j'étais belle, on m'enrubannait de ces noms jolis. On m'appelait "fleur", "sucre" ou bien "dentelle". J'étais le soleil et j'étais la pluie. Quand je fus plus grande, hélas à l'école, j'étais la couleur de mon tablier. On m'appelait "garce" on m'appelait "folle". J'étais quelques notes dans un cahier

Si vous le savez...

Quand j'ai pris quinze ans que s'ouvrit le monde, je crus qu'on allait enfin me nommer. Mais j'étais "la moche" et j'étais "la ronde", j'étais "la pleurniche" et "la mal lunée". Quand alors j'aimais, quand je fus "sourire", quand je fus "envol", quand je fus "lilas", j'appris que j'étais "ventre" même pire, que j'étais "personne", que j'étais pas

Si vous le savez...

Quand je fus "berceau" et puis "biberonne", j'oubliais tout ça quand je fus "rosier". Puis me réveillais un matin "torchonne", j'étais "marmitasse" et "pierre d'évier". J'étais "ravaudière" et j'étais "routine". On m'appelait "soupe", on m'appelait pas. J'étais "paillasson", "carreau de cuisine". Et j'étais l'entrave à mes propres pas

Si vous le savez...

Puis un jour un jour du fond ma tombe, j'entendis des voix qui se rappelaient. Plaisirs et douleurs, souvenirs en trombe. Et j'étais vivante et on m'appelait. Peu importe alors l'état de la cage, le temps qu'il faudra pour s'en évader, je saurai quoi mettre en haut dans la marge pour recommencer mon nouveau cahier

Je sais maintenant comment je m'appelle. Je vous le dirai, je vous le dirai. Je sais maintenant comment je m'appelle, et c'est pas demain que je l'oublierai, et c'est pas demain que je l'oublierai

... et pour celui aussi qui, probablement par pudeur, a mis tant (et de fait trop) d'années, à trouver un diminutif tendre à mon prénom

5 commentaires:

cailloublanc a dit…

Quel terrible texte, @nn@! que je connaissais pas... Une véritable autobiographie en quelques mots que l'on peut enfgiler comme autant de perles sombres sur un cou de femme,,, Merci pour ce billet terrible...
Grand ciel bleu ici sur la neige étincelante...

@nn@ L. a dit…

Texte qui, mine de rien, est plus souvent qu'on ne le voudrait la réalité quotidienne de beaucoup femmes européennes... mais dont, en écrivant ceci, je m'aperçois qu'elle reste malgré tout enviable au regard de celle des femmes des pays en voie de développement.

à noter qu'après en avoir discuté avec plusieurs mères de famille de ma génération, bien souvent nous sommes arrivées à la même conclusion: ce collier de perles sombres, c'est bien souvent nous mêmes qui l'avons confectionné, comme si quelque part nous avions du mal à oser exister autrement qu'en tant que mère de ...

Anonyme a dit…

Eh !! ouiiiiiiiiii
pour la confection de ce collier de perles sombres
Douces pensées
AA

Anonyme a dit…

Merci, @nn@, de me faire découvrir ce texte que je ne connaissais pas. Comme Gene je le trouve un peu cruel, mais terriblement réaliste, il faut bien l'avouer...
Sans doute nous faut-il toute une vie pour nous connaître enfin...
(le hasard fait que je redécouvre Anne Sylvestre depuis peu en faisant écouter les Fabulettes à ma fille!)

@nn@ L. a dit…

* Collier sombre Arlette où de temps en temps quelques enfants et quelques pères ajoutent parfois quelques perles plus lumineuses...

*Force est de reconnaître Verveine citron qu'effectivement cette chanson cruelle mais réaliste, enfin assez souvent hélas. Peut-être pour cela qu'elle est peu connue: il y a des choses qu'on a pas envie de voir, moi la première :-) même si depuis...

ah "les fabulettes", avec les chansons de Henri Dès, qu'est ce que j'ai pu en entendre, notamment durant les longs voyages. Et les gamins (la plus jeune a quand même 16 ans) s'en rappellent encore