Oublier cette image pour ne garder que celle d'une photo de famille du temps où il sillonnait les routes de l'ouest de la France pour installer seul de lourds poêles alsaciens, dépanner les machines à pâtes fraîches ou à chantilly ou, et là le gourmet qu'il était se révélait dans toute sa splendeur, trouver des vignerons passionnés et passionnants dont il diffuserait les vins, comme ce moine œnologue du sud de la France. Et puis comme il savait le faire avec d'une manière incomparable, pleine d'humour, nous raconter ses voyages, ses rencontres...
Ou bien cette photo là. Durant ce week-end là, il nous avait concocté des escalopes de dinde panées que je n'ai jamais réussies à refaire aussi bonnes et surtout des crèmes brûlées dont mes enfants gardent, plus de dix ans après, un souvenir ému. Le genre de saveur qui génère une immense tristesse quand vous arrivez au fond du plat individuel, et pourtant vous avez pris votre temps, vous avez savouré chaque bouchée...
La petite dernière savourait aussi ce moment là, lorsque fatiguée de marcher dans les rues de Dinan son tonton l'avait empoignée sans façon, comme il savait si bien le faire avec les enfants, pour la jucher sur ses épaules. Pour l'homme adepte des longues balades en vélo, de la plongée sous-marine et du judo (que non seulement il pratiquait mais où il était arbitre lors des compétitions régionales) elle n'était pas plus lourde qu'une plume.
Et marchant derrière eux je me rappelais que plus de vingt ans auparavant, sur la pelouse du jardin de mes parents, il révisait ses examens de fac et je bouquinais. Pour se défouler un peu, après avoir piqué quelques équilibres il m'avait proposé de me soulever debout, en équilibre sur ses mains au dessus de ses bras tendus... juste quelques instants durant lesquels à la panique, car c'était inquiétant pour une pré-adolescente de se retrouver tout près de la cime d'un jeune noyer planté là, avait succédé une impression indéfinissable de plénitude. Il faisait partie en effet de ces personnes qui ont l'art, en quelques mots, quelques gestes, de vous rassurer, de vous (re)donner confiance en vous.
Le noyer continue de grandir, mais Jean-Yves ne fêtera pas aujourd'hui ses 59 ans.
6 commentaires:
Bel hommage à Jean -Yves
oui! quelques jours ,15 en fait au milieu des arbres en fleurs en espérant que "le mauvais " vent n'est tout enlevé
A bientôt Amie , Joyeuses Pâques
Cette histoire ressemble étrangement a celle de mon père mais qui est parti lui à 90 ans.
C'était notre école, une école irremplaçable
Oui, un bel hommage...
Peut-être est-ce quand on arrive à évoquer à nouveau les moments heureux et pleins de vie que l'on peut dire que le deuil est fait?
Cet après-midi, alors que j'avais acheté à ma fille une pâtisserie (un cochon en pâte d'amande), ma mère s'est souvenue que Joe s'en était offert un lors de l'un de ses 1ers séjours en France, et ça nous a fait sourire. Bien sûr, il y avait toujours ce pincement au coeur, mais c'est la première fois qu'on souriait en parlant de Joe (et qu'on n'avait plus cet air grave sur nos visages): j'ai trouvé que ça le ramenait dans le monde des vivants, cette anecdote.
Merci @nn@ pour cette capacité d'évoquer le spersonnes qui ont compté, qui comptent, qui compteront. L'essentiel.
Gene
Jamais tout à fait ne disparaissent ceux que chante une mémoire.
Celle des Passeurs dit toujours l'eau de la rivière.
* Bonnes vacances Arlette, faites le plein d'inspirations
* Jean-Yves savait captiver et passionner ses interlocuteurs Caphadock... mais aussi parce qu'il savait les écouter et beaucoup plus rares sont ceux là.
Sans doute était-ce aussi le cas de votre père.
Les parents de Jean-Yves sont toujours vivants; son père notamment qui depuis dix ans résiste à un cancer qui a touché poumon et estomac. Son fils lui devait beaucoup... et notamment son caractère parfois de cochon :-))) Personne n'est parfait!
* J'ai un peu hésité avant de parler de la maladie de Jean-Yves Verveinecitron car je me rappelais fort bien de l'histoire de Joe, lui aussi emporté très, trop tôt par un cancer.
C'est bien de pouvoir parler d'eux de nouveau de lui en souriant, même si quelque part il restera toujours une petite boule de douleur car le chemin du deuil est long
* Je le voyais rarement Gene, mais pourtant aussi bizarre que cela puisse paraître il me manque et je n'ai jamais autant pensé à lui que depuis qu'il n'est plus.
Peut-être parce que c'est alors que d'autres choses ont commencé, des choses dont j'aurais aimé discuter avec lui
* C'est vrai Michel, ceux dont on se souvient ne disparaissent jamais vraiment. Certains même vous accompagnent au long des jours et des nuits, même si avec le temps leur présence se fait plus légère
Enregistrer un commentaire