vendredi 12 septembre 2008

Avec Tahar Ben Jelloun...quand les mots venus du sud m'enchantent

Tahar Ben Jelloun, même s'il ne fait pas partie comme François Cheng de l'Académie française, maîtrise lui aussi fort bien la langue française. Je n'ai pas encore lu "la plus haute des solitudes" qui l'a fait connaître, ni même "le racisme expliqué à ma fille", mais "l'enfant de sable" ainsi que sa suite qui a reçu le prix Goucourt: "la nuit sacrée". Et ces deux ouvrages à la langue poétique d'une grande sensualité qui racontent l'histoire de cette femme qui, parce que son père voulait à tout prix un fils, avait vécu comme un homme, m'avaient enchantée. Je n'avais donc pas hésité un seul instant pour acheter deux recueils de nouvelles: "le premier amour est toujours le dernier" mais aussi "amours sorcières" où plus d'une nouvelle m'a laissée fort pensive après en avoir tourné la dernière page. Tel était le cas de "homme sous influence" où la dernière phrase de cette nouvelle consacrée aux doutes que connaît un scientifique très européanisé au point d'être appelé par ses amis "le Cartésien" ou "le Françaouis" dit ceci: "Quant au muezzin, il est devenu un ami, quelqu'un avec qui il aime discuter des relations entre science et religion" Mais d'autres nouvelles m'avaient aussi marquée comme le récit de cette amitié qui unit deux femmes de milieux sociaux fort différents: "Naïma et Habiba" après que l'une d'elle ait découvert qu'elle était atteinte d'une maladie incurable. Ou bien encore "Mabrouk interprète vos rêves" qui voit un écrivain public s'installer comme sorcier parce qu'il a été incapable d'interpréter les rêves assez similaires que trois femmes, qui ne se connaissaient pas, lui ont raconté. Mais l'ouvrage qui m'a le plus marqué de cet auteur est semble-t-il assez peu connu. Il s'agit de "cette absence aveuglante de lumière" Le résumé qu'en donne Wikipédia est assez fidèle: L'auteur s'inspire du témoignage d'un prisonnier du bagne marocain de Tazmamart, conjuré d'un attentat mené contre le roi Hassan II en juillet 1971. Il dit sans artifice les épreuves d'un enfermement dans des cellules où nulle lumière ne parvient, où la station debout est impossible, les humiliations quotidiennes, le délabrement de l'être, et la résistance par la spiritualité, mêlant poésie et imaginaire. Dans ce livre, j'ai retrouvé les mêmes interrogations qu'à la lecture de livres tels que "si c'est un homme" de Primo Levi ou "le mort qu'il faut" de Jorge Semprun: - comment survivre dans des conditions extrêmes où tout est fait pour tuer toute humanité en vous, - comment les mots et la poésie peuvent aider à vivre dans de tels lieux, que ce soit les mots de Dante dans "l'enfer" pour Primo Levi, ou ceux de Rimbaud pour Semprun. - et comment vivre ensuite sans avoir de rancune ou de colère. Du livre de Tahar Ben Jelloun je garde des images très fortes comme celle de ces hommes dont la souffrance est devenue telle qu'ils en arrivent à souhaiter la mort de l'un d'entre eux pour pouvoir pendant quelques minutes pouvoir sortir des cellules/tombeaux où ils sont enfermés... du moins jusqu'au moment où les gardiens qui ont compris cela décident d'organiser les enterrements de nuit. Et tout à la fin du livre, ce que "dit" ce prisonnier qui, alors que beaucoup de ses compagnons d'infortune sont morts en captivité, ressort à jamais brisé physiquement de ces années d'enfermement. Il n'en veut pas ni à celui qui l'a fait enfermé là, ni à ceux qui l'ont gardé emprisonné en se moquant fort bien des tortures qu'ils lui infligeait.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Magnifique Ben Jelloun ... très présent dans ma bibliothèque avec Le Clézio...
Oui...magnifique Ben Jelloun

Anonyme a dit…

Le dernier lu est "Sur ma mère" ... très émouvant ...
Ben Jelloun non seulement une belle écriture... une maîtrise de la langue française parfaite... mais aussi une belle voix ... un visage qui me séduit...
oui magnifique Ben Jelloun...
http://fr.youtube.com/watch?v=qUddhRo9Ha4

Belle journée @nn@... merci

@nn@ L. a dit…

Pour la voix je le saurai ce soir en revenant du travail, mais je partage entièrement votre avis sur son écriture... et son visage (mais ça je n'avais pas osé l'écrire -rires)

Pour son dernier livre, je l'ai aussi acheté après, après "la voyageuse de nuit" de F. Chandernagor mais quelque chose me retenait de les lire, une sorte de pressentiment.
C'était quelques mois avant que la maladie de ma mère ne soit connue et qu'elle ne décède en juin dernier.

arlette a dit…

Bonjour amie et Maria-d
je n'ai rien lu de Ben Jelloun .........? pourtant nous avons je pense les mêmes lectures : lacune à combler
Le Clezio (tous ces écrits)j'aime
quant à Daniel Arasse bien sûr Histoires de peintures dès sa parution son dernier livre je crois
Merci de partager nos idées
Amitiés AA

arlette a dit…

RE
confidence je me sens plus proche de l'Asie et de sa philosophie-peintures-Images etc....
je relis ces derniers jours François Jullien :"Eloge de le fadeur" cela me nourrit , sur la pensée et l'esthétique de la chine
AA

Anonyme a dit…

J'ai offert la nuit sacrée à ma mère quand j'étais en 5ème. Evidemment, c'est elle qui m'avait soufflée l'idée... A l'époque, je ne l'ai pas lu, j'étais un peu trop jeune, mais aujourd'hui, je me dis que je pourrais lui emprunter...

Anonyme a dit…

Ecrivain que j'aime bcp, qui m'a aussi marquée, par l'écriture, les idées humanistes, l'empreinte de la philosophie orientale.

@nn@ L. a dit…

* Maria et Arlette, de Le Clezio je n'ai lu à ce jour que "le chercheur d'or" dont l'écriture m'avait beaucoup plu même si l'histoire m'avait laisée un peu perplexe.
Mais en faisant des recherches sur le net à son sujet je me suis aperçue qu'il était étudié dans les classes e de littérature... Parmi les livres de cet auteur mon choix était donc judicieux, mais que comme les livres de M. Cheng son livre nécessiterait sans doute une relecture.

* Oui verveinecitron, empruntez le livre (la nuit sacrée) à votre mère mais, même si les deux ouvrages peuvent se lire séparés, lisez si possible avant "l'enfant sable"

* en quelques adjectifs, Sido, vous avez parfaitement résumé ce que je ressens moi aussi à la lecture de Tahar Ben Jelloun.