lundi 22 septembre 2008

ombre et lumière (8) dans le 7ème art

Est-ce être puriste que de détester retrouver sur le petit écran des films qui ont été conçus et réalisés par leur auteur en noir et blanc... colorisés. Si oui, alors je suis une puriste. Un film a semble-t-il été préservé de ce sort alors même que le père de son réalisateur était un maître de la couleur: il s'agit bien sur de "la grande illusion" de Jean Renoir.
Plus encore que ses qualités esthétiques ( je pense aux scènes qui on été tournées dans la forteresse du Haut-Koenisbourg en Alsace et auxquelles une grande photo à l'entrée de la forteresse fait désormais allusion), je voudrais rendre hommage à ce film et à l'humanisme dont il est baigné, ce qui lui a d'ailleurs valu d'être interdit de diffusion entre 1939 et 1945, car trop pacifiste.
En effet après une première partie qui montrait un groupe de prisonniers cherchant à s'évader en construisant un tunnel, le film prenait tout son sens avec les retrouvailles des deux aristocrates: de Boëldieu (Pierre Fresnay) et von Rauffenstein (Eric non Stroheim).
Ces deux là partageaient plus de points communs qu'avec leurs propres compatriotes. Au point de devenir amis et que Boeldieu, plutôt que de trahir son nouvel ami se sacrifiait pour aider deux autres Français à s'évader, ce qui amenait von Rauffenstein qui avait compris le sens de son geste (contrairement aux compatriotes de de Boeldieu) à couper l'unique fleur qui décorait la forteresse pour la déposer sur la poitrine de son ami qu'il avait involontairement blessé mortellement. De même rapprochements se feront entre les représentants de la classse ouvrière.
La "grande illusion"... Pendant longtemps je ne m'étais même pas demandée quelle pouvait bien être la signification de ce titre.
Une explication voudrait que pour ce film sorti en France en juin 1937, ce soit une référence au fait que la guerre de 14/18 aurait été "la der des der".
Mais je préfère l'autre explication, celle qui veut que ce qui sépare les hommes soient moins
- les frontières dont les limites sont fictives (voir le bref dialogue à la fin du film lorsque les deux évadés ne se font plus tirer dessus parce qu'ayant, dans un champ enneigé, franchi la frontière Germano-Suisse)
- ou les langues (lorsque le soir de Noël la jeune femme allemande qui élève seule sa petite fille et dont toute sa parenté masculine est morte au front, tuée par d'autres Français, lui avoue qu'elle est heureuse avec lui et que lui qui ne parle pas allemand la comprend et lui promet de revenir à la fin de la guerre)
- que les classes sociales.
Sauf que moins de deux ans plus tard l'histoire prouvera que les frontières existent...

5 commentaires:

Marwan a dit…

Non, @nn@, les frontières sont bien des illusions. Ce ne sont que les idéologies qui les créent et les exploitent pour servir leur pouvoir. Surtout quand celui-ci est très contestable.
Le bouc-émissaire c'est l'autre, votre voisin de palier comme votre voisin de pays.
A méditer en cette périodes de petits roquets n'ayant rien à offrir à ceux qu'ils dirigent, sauf à pointer les voisins comme responsables de tous les maux...

Anonyme a dit…

La Grande Illusion est sans doute de penser « les choses acquises ».
Il nous faut, chaque jour, arroser le jardin où tente de survivre ce qui nous reste d’humanité à « fréquenter le monde »
Le reste, tout le reste est chants, mais ils sont indispensables pour le « ré-enchanter ».

cailloublanc a dit…

Chère @nn@, moi qui vit dans une zone frontière (près du Haut Koenigsbourg), à cheval sur une région tantôt allemande, tantôt française, je me sens très concernée par votre billet de ce jour.... Merci pour la belle photo de spierres couleur de grès... Et à bientôt!
Gene

arlette a dit…

Illusions permanentes .............
je suis d'accord avec notre "puriste " de service et ce film un chef -d'oeuvre
je viens de relire en mettant de l'ordre "le rivage des Syrtes de Julien Gracq prix Goncourt 1951 !!!
comme quoi lire relire à chaque âge de la vie ........
Amitiés AA

@nn@ L. a dit…

* Marwan, les frontières sont des illusions sur le papier (juste une série de petites croix ou une ligne rouge sur une carte) qui deviennent de cruelles réalités sur le terrain: tous les sans-papiers et toutes les minorités ethniques vous le diront

* le film peut aussi être regardé comme vous le suggérez Michel, mais n'est ce pas là le propre des grands films, des grands livres: leurs multiples "lectures"

* J'ai visité durant l'été 2007 ce château d'où l'on voyait la plaine d'Alsace où les habitants, plus encore que leurs voisins lorrains ou que d'autres régions frontalières comme le Jura ou les Ardennes, ont été régulièrement ballotés entre deux nations et en ont parfois payé le prix fort. Et je comprends que certains se sentent d'abord et avant tout Alsaciens

* Honte à moi Arlette, je n'ai jamais lu l'ouvrage cité, mais vous me donnez envie de le faire car il n'est pas toujours évident de relire avec plaisir un livre autrefois aimé (mais nous en avions déjà parlé en mai dernier au sujet de Alain-Fournier)