lundi 24 novembre 2008

histoires de familles de sang et de coeur (conclusion)

"... La seule chose qu'on a réussie, ce sont vos prénoms. En choisissant Mathieu et Thomas, on a fait dans le bon chic bon genre, avec en plus un petit clin d'oeil à la religion. Parce qu'on ne sait jamais, et qu'il faut toujours mieux être bien avec tout le monde. Si on pensait vous attirer les grâces du Ciel, on s'est un peu plantés. Quand je pense à vos petits abattis, vous n'étiez pas bâtis pour vous appeler Tarzan... (...) Vous, c'était plutôt Tarzoon, la honte de la jungle. Sachez que je vous préfère à l'arrogant Tarzan. Vous êtes bien plus émouvants, mes deux petits oiseaux. Vous me faites penser à E.T. (...)

Quand je suis seul en voiture avec Thomas et Mathieu, il me passe quelquefois dans la tête de drôles d'idées. Je vais acheter deux bouteilles, une de Butagaz et une de wisky, et je les viderai toutes les deux. Je me dis que si j'avais un grave accident de voiture, ce serait peut-être mieux. Surtout pour ma femme. Je suis de plus en plus impossible à vivre, et les enfants qui grandissentsont de plus en plus difficiles. Alors je ferme les yeux et j'accélère en les gardant fermés le plus longtemps possible.

(...)

Il ne faut pas croire que la mort d'un enfant handicapé est moins triste. C'est aussi triste que la mort d'un enfant normal. Elle est terrible la mort de celui qui n'a jamais été heureux, celui qui est venu faire un petit tour sur Terre seulement pour souffrir. De celui-là on a du mal à garder le souvenir d'un sourire. (...)

Quand je pense à Mathieu et Thomas, je vois deux petits oiseaux ébouriffés. Pas des aigles, ni des paons, des oiseaux modestes, des moineaux. De leurs petits manteaux bleu marine courts sortaient des petites cannes de serins. Je me souviens aussi, quand on les lavait, de leur peau transparente et mauve, celles des oisillons avant que les plumes poussent, de leur bréchet proéminent, de leur torse plein de côtes. Leur cervelle aussi était d'oiseau. Il ne leur manquait que les ailes. Dommage. Ils auraient pu quitter un monde qui n'était pas fait pour eux. Ils se seraient tirés plus vite, à tire d'aile. (...)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Anna ,
Touchée par ce livre si plein d'humour Quel talent dans la tragédie .j'avais noté avant même sa notoriété
Quant aux précédents films dontvous parlez je n'ai pu en juger. Mais vous disiez il y a qq temps votre démarche de voir Séraphine Hier pour moi cela est fait avec retard et suis encore émue de ce parcours étonnant et de la qualité de la réalisation
En parlerez -vous ??? AA

@nn@ L. a dit…

Un très beau livre. C'est pour cela que je me suis complètement effacée derrière le texte (pas facile de choisir les extraits) et les photos.

Séraphine Louis dite Séraphine de Senlis: J'en parlerai un jour mais comment? Il y a plusieurs manière de parler d'elle: être artiste quand on vient d'un autre milieu? être femme et artiste? art et folie? ou tout simplement la peinture naïve/primitive?