dimanche 24 mai 2009

...les bleus de la mémoire ...

2004. Jeudi de l'Ascension. L'après-midi.
Il fait beau, très beau et il fait bon, si bon à lire au soleil.
Mais tout devient gris, très gris et froid, très froid après un simple coup de téléphone.
"Ses reins ne fonctionnent plus. Il n'en a plus que pour 24 heures, 48 tout au plus."
Voilà. Maintenant après tout un automne et un hiver à attendre, on y était.

Et dans le printemps, pour oublier la mort qui s'en venait, il n'y avait qu'un endroit: le bassin aux iris. A la recherche de la fleur idéale: bleu sombre, presque noir.
Comme la nuit qui bientôt tomberait sur lui.Le lendemain en fait. Une date qui pendant 5 ans fût impossible à retenir.

Il faisait beau encore le samedi qui suivit, avec un ciel bleu qui fait fermer les yeux ou chercher l'ombre. Mais pas celle d'une chambre funéraire que des lys blancs embaumaient.
Des fleurs bien éloignées de celles qu'il aimait en réalité: les fleurs sauvages. Le lundi 24 mai, à l'église, sa femme en déposa sur le cercueil une brassée qu'elle était allée cueillir quelques heures auparavant dans leur jardin et les champs aux alentours de leur maison.

Elles fanèrent vite car il faisait beau, très beau tout comme un peu plus tard dans l'après-midi, tandis que les proches attendaient, non dans les salons d'attente, mais assis par petits groupes sur les pelouses du crématorium.
Le soleil s'est juste voilé un instant lorsque l'employé des pompes funèbres a déposé dans les bras de son fils l'urne bleu foncé avec son nom inscrit en lettres d'or suivi de deux dates: 1950-2004.
Elle était encore chaude et il la portait comme on porte un enfant.

C'était il y 5 ans.
C'est le temps qu'il a fallu pour oser remonter sur les doigts le temps et mettre enfin une date sur ce jour-là, celui de sa mort: le 21 mai. Et accepter.

Cinq ans plus tard les iris qui désormais me semblent les plus beaux ce ne sont pus les bleus-noirs. Ce sont ceux qui ont des pétales bleus veinés de blanc, comme les nuages qui s'étirent très haut dans le ciel et un coeur d'étamines jaunes soleil.




Accepter. Enfin, commencer à accepter... car jamais billet ne fut si difficile à mettre en forme et ce n'est qu'après une nième relecture que cette date du 21 mai, une fois de plus esquivée par les hasards (?) de la rédaction, inscrite.

5 commentaires:

arletteart a dit…

Pensées bleues devant tant de douleurs et merveille des iris fleurs de Vénus
je vous embrasse en écho à ce que vous écrivez
amitiés soleil de mai
AA

cailloublanc a dit…

Amitiés, @nn@, en ces jours de mémoire douloureuse...

verveinecitron a dit…

Ce mois de mai a l'air bien difficile pour toi et j'espère que la douce chaleur du soleil et la nature qui est si belle en cette saison t'aident à alléger (un peu) tes peines.

Ce billet est très émouvant.

michelgonnet a dit…

J'aime ce billet si plein d'humanité.

@nn@ L. a dit…

Merci arlettart, Caillou blanc, verveinecitron et Michel
Désolée mais je crois bien que c'est tout ce que je saurai écrire. Et encore m'a t il fallu plusieurs jours.
Mais je sais que vous me comprendrez car vous êtes tous les quatre passés par ces mêmes moments difficiles qui avec le temps s'atténuent sans jamais s'oublier.